
Anne-Lise Le Brun, aiguiseuse d’esprit critique
Anne-Lise Le Brun est responsable culturelle de l’Université populaire de Bagnolet. Chaque mois, elle anime avec un spécialiste un Cours d’auto-défense intellectuelle au Collège Travail Langevin pour permettre aux élèves de développer leur esprit critique.
Après 10 ans à Paris, direction la Seine-Saint-Denis pour fuir les loyers de la capitale, mais « Bagnolet a été un vrai coup de cœur ! » se souvient Anne-Lise Le Brun. C’était moins cher, mais j’ai aussi aimé la population très variée, très diverse. Quand nous sommes arrivés dans le département, mon fils entrait en 6e. J’ai vu qu’on était très peu de familles de classe moyenne à scolariser nos enfants dans les collèges du département. Beaucoup de gens évitaient ces collèges pour mettre leurs enfants à Paris. Pourtant, j’ai découvert une équipe de profs formidables ». C’était il y a 6 ans. Depuis, Anne-Lise, 38 ans, a eu deux autres enfants. Elle continue de travailler dans la culture, l’édition et le théâtre et s’est investie à fond dans sa ville d’adoption.
« L’idée, c’est d’aiguiser l’esprit critique des jeunes »
« En octobre 2014, j’ai rejoint l’université populaire de Bagnolet qui venait de se créer, poursuit Anne-Lise. J’y ai fondé les CADI, les Cours d’auto-défense intellectuelle, au collège Travail Langevin. L’idée, c’est d’aiguiser l’esprit critique des jeunes, de leur montrer autre chose, leur permettre de se questionner, de débattre, de chercher dans des tas de domaines : média, publicité, mathématiques… » Une fois par mois, après la classe, les collégiens sont invités, s’ils le souhaitent, à venir participer à une rencontre : booster sa mémoire avec le champion de France de la mémoire, découvrir la puissance des mots avec une linguiste, s’interroger sur les médias avec un journaliste… « Nous avons proposé la thématique : l’humour comme arme intellectuelle avec l’humoriste Ahmed Sylla que les jeunes adorent. C’était la star, les élèves se sont rués, mais ils ont découvert que même avec un mec drôle venant de leur milieu, il fallait apprendre à argumenter ».
« Certains gamins ici ne mettent jamais les pieds de l’autre côté du périph’ »
En leur donnant ces armes intellectuelles pour se défendre et prendre leur place dans la société, Anne-Lise contribue à faire grandir et évoluer les collégiens. « Le 93 est le département le plus stigmatisé de France, et l’idée c’est d’inverser ça, explique-t-elle. Il y a une richesse, une énergie dingue, alors il faut arrêter de nous pointer du doigt comme le département poubelle. Ici, beaucoup d’habitants ont rarement la parole et parfois du mal à s’exprimer. Avec les Cours d’auto-défense intellectuelle, je veux ouvrir des portes. Certains gamins ici ne mettent jamais les pieds de l’autre côté du périph’, alors je leur dis qu’ils ont le droit d’aller à Paris ! ». Pour l’instant, Anne-Lise n’est pas près de retourner vivre au bord de la mer de la Vendée de son enfance… « J’ai encore tellement de choses à faire ici ! ».
Juliette Tissot