Aurélie Cardin, dénicheuse de pépites cinématographiques

Dévoiler son département sous un autre jour, grâce au cinéma ! C’est le pari qu’a fait Aurélie Cardin il y a 11 ans en créant le festival Cinébanlieue au cinéma l’Ecran de Saint-Denis. Pari gagné, Cinébanlieue est aujourd’hui un festival qui compte.

Le 93, c’est sa maison depuis toujours. Aurélie Cardin a grandi à Aubervilliers où elle vit encore. Après avoir étudié à l’Université Paris 13 Villetaneuse, elle y enseigne aujourd’hui l’histoire du cinéma. « À Aubervilliers et dans le 93, il y a toute ma famille et tous les gens que j’aime », confie Aurélie. C’est par le biais du basket, quand je jouais en Nationale 2, que j’ai pris conscience de mon appartenance au département. J’étais fière de le représenter quand on faisait des déplacements ».

 

« J’ai vécu les émeutes en banlieue de manière très à fleur de peau »

En 2005, quand les banlieues des grandes villes s’embrasent, c’est l’incompréhension. Aux yeux du monde, le département qu’elle aime ne rime plus qu’avec violence et voitures en flammes. « J’ai vécu les émeutes en banlieue de manière très à fleur de peau, j’assistais un peu impuissante à tout ce qui se passait et je trouvais que cela ne reflétait pas ce que j’avais vécu, ce que je vivais, se souvient-elle. Quand j’allumais la télé, j’avais l’impression qu’on nous montrait de la violence comme si elle n’avait pas d’histoire : « dans le 93 ils sont comme ça, ils brûlent » alors que c’était une façon de figer la population, de nous figer et ça effaçait tout ce que les gens faisaient de bien ».

À cette époque, Aurélie prépare sa thèse sur la représentation de la banlieue au cinéma et regarde tous les films tournés en banlieue nord de 1945 à nos jours. « Dans les années 60 et 70, l’image de la banlieue était différente, positive, il y avait du travail, des logements neufs, l’espoir était là, c’était un laboratoire de progrès. J’ai réalisé que c’était encore le cas, mais que le discours était devenu négatif. Ici, il y a des parcours solaires et plein d’espoirs, et il n’y a pas mieux que des cinéastes pour les raconter ».

 

« Olivier Babinet, a su déceler chez les collégiens cette beauté que d’autres ne veulent pas voir ou ne voient pas »

C’est la naissance de Cinébanlieue. Un festival de cinéma pour offrir un autre regard sur la banlieue, pour lutter contre les stéréotypes et arrêter d’enfermer ses habitants dans des cases. Depuis, Cinébanlieue, parrainé encore cette année par Reda Kateb, a acquis une vraie notoriété et attire des spectateurs de toute la France. « Cette année, on va ouvrir avec Swagger, tourné dans un collège d’Aulnay-sous-Bois. Son réalisateur, Olivier Babinet, a su déceler chez les collégiens cette beauté que d’autres ne veulent pas voir ou ne voient pas », explique Aurélie. À force de diffuser des discours anxiogènes, les gens se font une représentation complètement délirante de la banlieue. Or ici ça bouge, la jeunesse est vivante, créative, dynamique et mérite d’être entendue ». À 38 ans, Aurélie est plus que jamais fière d’appartenir à ce territoire qui a vraiment la « Swag attitude »* !

Juliette Tissot

* Le festival Cinébanlieue, sous le signe de la « Swag attitude », aura lieu du 9 au 18 novembre 2016 au cinéma l’Écran à Saint-Denis, au cinéma le Studio à Aubervilliers, au Comedy Club Paris 10e et à l’UGC Ciné Cité Paris 19e.