
Ghada Hatem, au nom de toutes les femmes
La cheffe de la maternité de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis s’est battue pour doter le département d’un nouvel outil dans la lutte contre les violences faites aux femmes : une Maison des femmes, où sont dispensés conseils et soins.
« Quand vous êtes confronté à un problème, vous avez deux solutions : soit courber l’échine et dire que ça vous dépasse, soit vous mettre en quête de solutions. » Voilà une phrase signée Ghada Hatem, pragmatique par excellence. En 2010, cette chirurgienne spécialisée en gynécologie obstétrique arrive en Seine-Saint-Denis, nommée au poste de cheffe de la maternité de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis. Elle y découvre la grande solidarité entre les personnels, les dispositifs déjà mis en place par l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes, mais aussi une série de problèmes propres au territoire, liés à une plus grande précarité ou aux phénomènes migratoires.
« La Seine-Saint-Denis, c’est un petit bout de France avec toute sa richesse humaine »
« Moi qui venais des Bluets et de l’hôpital d’instruction aux armées de Saint-Mandé, c’est sûr qu’auparavant, je n’avais pas eu tellement affaire à des femmes victimes d’excision ou alors à des problèmes de violence doublés de lourdes problématiques sociales », se souvient la praticienne de 57 ans.
« La Seine-Saint-Denis, c’est un petit bout de France avec toute sa richesse humaine, mais aussi tous les problèmes qu’il faut qu’on règle, une sorte de laboratoire », dit encore celle qui n’a pas hésité à rejoindre le réseau des ambassadeurs « IN Seine-Saint-Denis ».
A Saint-Denis, cette chirurgienne expérimentée constate notamment que 14 % des quelque 4000 accouchées annuelles à la maternité de Delafontaine ont subi des excisions, parfois même sans en avoir conscience. Et même si le département s’est déjà doté de garde-fous face à cette pratique assez méconnue – « notamment grâce au travail en PMI (protection maternelle et infantile) de la docteur Emmanuelle Piet » – Ghada Hatem émet l’idée d’une Maison des Femmes pour venir renforcer encore l’arsenal contre les violences faites aux femmes.
Six ans plus tard, la praticienne a pu inaugurer cette structure aux murs colorés, adossée à l’hôpital Delafontaine et ouvertes à toutes les femmes. Regroupant une vingtaine de personnes, parmi lesquelles des chirurgiens, des sages-femmes ou des psychologues, elle est organisée en trois grands pôles : le Planning familial, pour les questions de contraception et d’interruptions volontaires de grossesse, les violences conjugales, et donc les consultations gynécologiques pour les femmes victimes d’excisions.
« Enfant, je voulais devenir psychiatre ou architecte. Une collègue m’a récemment dit qu’avec ce lieu, j’avais fait les deux »
« L’idée est celle d’une prise en charge globale, ponctue celle qui durant sa fac de médecine était en stage à l’hôpital Necker-Enfants malades. En tant que femme victime de violences, si vous devez vous débrouiller toute seule, c’est compliqué. Dans cette Maison des Femmes au contraire, c’est plus facile pour passer d’un service à l’autre et les équipes échangent aussi pour assurer le suivi d’un dossier. »
Pugnace et sachant en même temps fédérer, cette femme forte a su frapper à diverses portes pour débloquer 980 000 euros pour sa nouvelle structure d’accueil et de soins, un financement auquel a aussi participé le Département. « Enfant, je voulais devenir psychiatre ou architecte. Une collègue m’a récemment dit qu’avec ce lieu, j’avais fait les deux », plaisante Ghada Hatem, dont le rire sonore résonne contre les murs bariolés de la Maison des Femmes.
Christophe Lehousse