La Bifurcation ou l’itinéraire gourmand de Youssouf Sokhna

Dans son restaurant de Bagnolet, cet ambassadeur du « In » joue les passeurs de saveurs entre gastronomies française et africaine. Tout en misant sur les savoir-faire et les produits du département.

Attention déviation gourmande, veuillez prendre le chemin de la Bifurcation… C’est un peu le conseil GPS qu’on pourrait donner, en cette fin d’année festive, aux amateurs de découverte gastronomique. Au 7 rue Marceau, à l’ombre des Tours Mercuriales à Bagnolet, Youssouf Sokhna, 31 ans, a en effet ouvert depuis 2015 son restaurant (1) dont l’enseigne violette indique « La Bifurcation. » Ce qui ne veut pas dire qu’il est un Bison futé des fourneaux mais plus simplement que sa carte « bifurque entre les cuisines africaines et françaises. Et ma cuisine, c’est aussi beaucoup de moi… »L’histoire d’un fils d’agriculteurs de Salibabi dans le Sud de la Mauritanie, à quelques kilomètres des frontières du Mali et du Sénégal, qui lors des retours au bercail de son oncle Abdoulaye, cuisinier en région parisienne, se délecte de « ses récits autour d’une gastronomie française qui m’intriguait, avec ses façons de faire très différentes de chez nous. En Afrique, on prépare un plat commun, puis tout le monde mange en même temps. Lui nous racontait les différents plats, les entrées, les desserts, la vaisselle multiple… »

De Ladurée à Ledoyen

Sa curiosité alliée à son goût pour concocter la popote familiale et des envies d’ailleurs le poussent donc en 2005 à faire le grand saut dans le bac de plongée d’un bistro parisien. Débarqué en France avec une faim de découverte culinaire, il va « squatter » les cuisines des établissements où il enchaîne les tâches ingrates du métier jusqu’à se faire remarquer par un chef qui le pousse à passer son CAP de cuisinier. Le voilà lancé dans la gastronomie à la française puisqu’il va, ensuite, gravir les échelons dans différentes adresses parisiennes de prestige : Ladurée sur les Champs-Elysées, le Pavillon Ledoyen, la Closerie des Lilas… Autant d’expériences qui ne l’empêchent pas de garder dans « un coin de la tête l’idée d’ouvrir mon propre restaurant. » Bagnolet, son premier port d’attache, sera sa terre promise : « C’est une ville qui me ressemble et qui ressemble à ma cuisine, affirme-t-il. Ça bouge, c’est mélangé, alors j’ai voulu m’y installer pour prouver aussi qu’on ne mange pas que des sandwichs, des kebabs et des frites en Seine-Saint-Denis. »

Sorgho et cacahuètes

Non loin de l’Hôtel de Ville de Bagnolet, les plats servis dans son restaurant avec terrasse célèbrent donc depuis deux ans le mariage des saveurs africaines et françaises. « Ça va du risotto au sorgho, en passant par les œufs meurette au tamarin, jusqu’au carré d’agneau à la croute de cacahuète », nous allèche-t-il. Un concept qui emploie désormais quatre personnes, joue la carte des circuits courts en privilégiant les commerçants bagnoletais et lui a permis de décrocher le 7 décembre 2017 le Prix Espoirs de l’Economie 2018 -catégorie créateur- placé sous les auspices de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Seine-Saint-Denis et de la marque territoriale du « In-Seine-Saint-Denis » dont il vient d’endosser le rôle d’ambassadeur. Car,

« son parcours et sa réussite sont un exemple des richesses que sait produire le brassage des cultures dans notre pays et notre département particulièrement »,

observe Stéphane Troussel, le président du Conseil Départemental qui lui a remis son prix. Une distinction que Youssouf Sokhna dit, lui, recevoir

« comme un encouragement à continuer, à montrer qu’on peut faire de belles et bonnes choses dans le 93. C’est pour ça d’ailleurs que j’essaie toujours de recruter mes apprentis dans le Département. »

Histoire, peut-être, de faire bifurquer d’autres destins vers les chemins de l’excellence gastronomique.

Frédéric Haxo