Bao-Anh Bui, un ambassadeur aux bons offices
Responsable de l’Incubateur culinaire Baluchon, ce trentenaire est, en quelque sorte, la plaque tournante des projets des entrepreneurs des métiers de bouche en Seine-Saint-Denis. Le In l’a cuisiné pour en savoir un peu plus. Voici l’addition de nos questions.
Du côté de Montreuil, mais aussi un peu partout In Seine-Saint-Denis au gré de différents laboratoires de cuisines, offices de traiteurs, ateliers de cuisine durable ou restaurants, Bao-Anh Bui est celui qui mitonne aux petits oignons les menus de l’Incubateur culinaire Baluchon, le programme d’accompagnement dédié aux métiers de bouche, implanté au cœur des quartiers prioritaires et ouvert à tous –lire notre encadré par ailleurs. Une fonction investie depuis trois ans qu’il nous raconte en trois étapes : entrée, plat et dessert évidemment… Et comme le In Seine-Saint-Denis a le sens de la rencontre, on a rajouté apéro et digestif.

Prologue ou apéro. Un zeste d’entreprenariat
Bao-Anh Bui, enfant d’une famille vietnamienne venue se réfugier en France, nait au début des années 90 à Maisons-Alfort dans « la clinique où est aussi venu au monde le rappeur MC Solaar », raconte-t-il pour l’anecdote. Ensuite direction Rungis, la ville du plus grand marché alimentaire de France qui sera aussi le lieu de son enfance et de son adolescence. Dans le marché d’intérêt national de Rungis, ventre moderne de Paris qui a succédé à l’ancien quartier des Halles en 1969, il commence à développer son appétence pour l’entreprenariat : « Avec des potes, on faisait les bennes à ordures du site et on récupérait ce qui était récupérable, à savoir des choses qui étaient potentiellement vendables et réutilisables. »

Acte 1. L’entrée en matière
C’est par la voie des petits boulots dans le secteur de la restauration et de l’alimentation que Bao-Anh Bui, va faire son chemin vers son métier actuel chez Baluchon : « J’ai un peu tout fait dans la restauration à partir du moment où j’ai été en âge de faire des petits boulots, ça allait de la livraison de sushis à mobylette aux jobs de commis de cuisine ou de plongeur. Assez rapidement, j’ai pris pas mal de responsabilités dans ces petits boulots et j’ai surtout eu la chance de confronter mon expérience à celle d’entrepreneurs de ce secteur. »
Ce qui ne n’empêche pas le jeune homme de tracer aussi sa voie dans les études supérieures en intégrant Arts et Métiers ParisTech, la « Grande École française d’ingénieurs spécialisée dans l’industrie du futur et la technologie » dont il sort bardé d’un diplôme d’ingénieur en 2015. « Quand j’ai choisi de m’engager dans cette voie, c’était surtout parce que j’étais bon en sciences, résume rétrospectivement l’ancien bachelier en série scientifique. Et puis, je voulais me « mélanger » au monde, le découvrir et surtout, j’étais et je suis toujours une personnalité qui aime tester les choses, les éprouver, quitte à me tromper ! D’ailleurs, mon parcours à Arts et métiers me sert beaucoup pour aller trouver de l’information, les ressources adéquates pour créer et monter un projet, ce qui est hyper-important dans le secteur de l’entrepreneuriat. »
Acte 2. Le plat de résistance, de Milan à Montreuil
Après vous avoir présenté une entrée en matière très digeste, eu égard au parcours de Bao-Anh qui est plus que consistant, il est temps de passer au plat de résistance, en l’occurrence la fonction de responsable de l’Incubateur Baluchon assumée depuis 2023 par celui qui est aussi ambassadeur du In Seine-Saint-Denis. Là-aussi, on vous a mitonné de l’allégé… Bref, sachez, en ultra-résumé toujours, qu’après un stage de fin d’études de six mois au sein de l’agglomération du Grand Angoulême comme « chargé d’étude sur les questions de la transition énergétique et de la création de valeur territoriale », notre futur ambassadeur du In va enchaîner sur un job de chef de projet et de cuisine mobile au sein de « Gong Express & The Rolling Star », deux foodtrucks installés du côté de Milan. De l’autre côté des Alpes, il teste ses talents de logisticien et de créateur de menus divers et variés.
Une furieuse envie de retrouver la France plus tard, le voici donc dans la peau de celui qui accompagne en 2025 sa cinquième brigade d’entrepreneurs et d’entrepreneuses de la « food » sur la région Île-de-France. Soit plus d’une cinquantaine d’entrepreneurs accompagnés individuellement en incubation : « Et on a aujourd’hui 70% de ces structures qui sont immatriculées au registre du commerce, apprécie l’incubateur en chef, c’est-à-dire qu’elles sont devenues pérennes. Côté stats toujours, on a soutenu 85% de femmes chefs d’entreprise, avec très souvent des parcours singuliers pour en arriver là.
Des personnes qui forment aujourd’hui l’écosystème de notre incubateur en soutenant les nouveaux incubés, en les accueillant à leur tour dans leurs entreprises. C’est d’ailleurs ce qui fait la force, promotion après promotion de l’incubateur Baluchon : pouvoir ouvrir les incubé.e.s sur différents points de points de vue et expériences d’entrepreneurs. Pas seulement la mienne. »

Acte 3. Le dessert, une touche de In Seine-Saint-Denis
Installé dans Les Chaudronneries de Montreuil, un ancien édifice industriel construit dans les années 20 reconverti en immeuble tertiaire où Baluchon a pris ses quartiers, Bao-Anh est devenu un expert de l’entreprenariat made In Seine-Saint-Denis au fil des projets soutenus par l’incubateur Baluchon. De quoi lui permettre un regard singulier sur le 93 qui nourrit largement sa vie professionnelle : « Même si je n’avais aucun lien me rattachant à la Seine-Saint-Denis avant d’y travailler, ce qui me plaît et m’y relie fortement dorénavant, c’est que le 93 est un territoire de brassage très fort qu’on retrouve d’ailleurs dans sa cuisine, la restauration présente sur le territoire. Et puis, il y a aussi en Seine-Saint-Denis, une très forte culture de la collaboration, de l’ingénierie collective dans laquelle je me retrouve via l’incubateur Baluchon. La double culture qui imprègne pas mal de gens qui vivent dans le 93 fait aussi que c’est un territoire de création, de fusion. Et ça aussi, c’est un excellent départ pour créer, inventer, les bases de sa propre cuisine… »

Acte 4. Le digestif pour continuer la discussion...
Si vous voulez en savoir plus sur Bao-Anh Bui, sa manière de défendre et promouvoir une alimentation durable, on vous conseille un livre et un restaurant. Le livre intitulé « Fermentation rébellion. Petite philosophie de la fermentation » a été pensé et écrit par sa cousine Thien Uyen Do, vigneronne et cueilleuse dans le Périgord. La thèse au cœur du livre ? « Nous sommes ce que nous mangeons. Et ce que nous mangeons façonne le monde. »
Quant au restaurant « La Belle de Mars » dans le quartier de la Joliette à Marseille, c’est celui de sa sœur Kim-Mai et de son compagnon qui inscrivent à leur carte « une cuisine orientée vers la mer où les menus évoluent en fonction des arrivages de Méditerranée et de la saisonnalité des produits. Avec elle, on a souvent eu et on a encore de grandes discussions sur la cuisine, sa finalité, son originalité. »
Un ingrédient supplémentaire dans cet itinéraire, servi à la carte, de Bao-Anh Bui.
Frédéric Haxo
Crédits photo : Sophie Loubaton
INCUBATEUR BALUCHON : À VOS CANDIDATURES !
L’Incubateur Baluchon, programme d’accompagnement dédié aux métiers de bouche, implanté au cœur des quartiers prioritaires, propose un accompagnement sur mesure à toute personne qui souhaite entreprendre ou développer ses compétences dans le secteur culinaire. Que vous soyez demandeur d’emploi, entrepreneur expérimenté, jeune talent ou créateur d’entreprise, l’Incubateur Baluchon vous propose ainsi un accompagnement gratuit et sur-mesure pour développer vos compétences dans le secteur culinaire.
Vous pouvez candidater en ligne jusqu’au 23 mars 2025 à minuit.
Et les dossiers de candidature pour la prochaine Brigade d’incubation sont à retrouver ici. A vous de jouer…