Le Garage B, en long, en large et avec de la hauteur…
Cet été, ce sont plus de 2000 visiteurs qui ont visité le Garage B, ex-garage départemental reconverti en « temple » du street-art dans le Parc de la Bergère à Bobigny. Un endroit pas comme les autres, bientôt reconverti en tiers-lieu culturel, qui a déjà laissé des traces dans les mémoires de ses visiteurs. Et aussi pas mal de souvenirs racontés par les deux médiatrices culturelles qui l’ont arpenté dans ses moindres recoins.
« Est-ce que les artistes vivent de leur art ? Est-ce que les bombes de peinture se recyclent ? Et, surtout, que vont devenir les œuvres d’art qui sont ici ? »
Avant d’entamer, ce jeudi de la mi-septembre, le dernier cycle de visites du Garage B, ancien garage automobile départemental métamorphosé en un lieu d’expression dédié à la culture hip-hop et à l’art urbain par la grâce de 11 artistes réunis par l’association Art Azoï, Anaëlle et Priscila, les deux médiatrices culturelles qui ont assuré près de 2000 visites depuis le mois de juin, dressent pour le In, le top 3 de leurs questions estivales. L’occasion donc, avant que le lieu n’ouvre une nouvelle page (voir notre encadré) de son histoire, de compiler quelques interrogations récurrentes, mais surtout l’assurance « d’avoir presque chaque jour découvert un nouveau détail dans l’une des œuvres, d’apprendre aussi quelque chose au détour d’une question d’un visiteur », raconte Priscila Latreille Kolling, médiatrice culturelle originaire du Brésil « où l’art du pixação -une forme de graffiti en français dans le texte- a beaucoup de succès. Et puis, j’ai aussi suivi un Masters d’arts plastiques à Paris-8 Saint-Denis, un autre territoire avec une grosse culture urbaine. Donc, je me suis senti super bien ici ! », sourit-elle tout en rejoignant son alter ego Anaëlle.
Effet « waouh » garanti derrière chaque porte
Laquelle vient de débuter une visite avec des élèves du collège Debussy à Aulnay-sous-Bois. Des collégiens de troisième déjà munis de quelques repères culturels au Garage B puisqu’ils font partie d’un projet hip-hop soutenu par le Département de la Seine-Saint-Denis. « Cette année, notre fil rouge, c’est le street-art, donc on devait forcément faire un passage par le Garage B, explique Charline Aracil, professeur d’anglais. Et comme on a programmé un voyage en Angleterre, autour de l’univers londonien du street-art, cette visite sera un vrai support pédagogique pour mes cours d’anglais. »
Un excellent moyen de décliner également un cours sur les couleurs dans la langue de Banksy, incontournable street-artiste britannique. Mais pour le moment, c’est l’univers du « car-wash » du garage départemental, revisité par Nassyo qui captive les collégiens de Debussy. « Les lumières orangées qu’il utilise sont très liées à ces balades parisiennes nocturnes, puisque Nassyo a été un pionnier du grafitti dans les années 80, habitué à créer la nuit sur les toits de Paris ou le long des lignes du métro aérien », explique Anaëlle Orfila qui, la page du Garage B refermée, se tournera vers des études de graphiste.
C’est peut-être pour cette raison qu’elle a scruté avec plus d’attention les calligraphies abstraites de Marko93, ondulant en vagues bleues depuis les hauts plafonds du lieu niché dans le Parc de la Bergère : « Et puis, Marko93, c’est un peu la figure du Garage, ajoute-t-elle. Pendant tout l’été, on accueilli pas mal de personnes qui le reconnaissait sur les photos de Willy Vainqueur qui ouvrent l’exposition et donnent à voir les premières battles hip-hop en Seine-Saint-Denis. Certains visiteurs qui figurent sur ces clichés nous ont même permis d’enrichir nos visites. En tout cas, les grands formats de Willy Vainqueur ont toujours provoqué un effet « waouh » chez les visiteurs. »
Quand l’art provoque la réflexion...
Dont ne se sont pas privées Anaëlle et Priscila en ouvrant les portes qui mènent aux différentes pièces où sont exposées les 11 artistes. « C’est vrai que lorsqu’on ouvre une porte, c’est toujours amusant d’entendre le murmure des commentaires, témoigne Priscilla. Et il y a eu aussi pas mal de « oh » à chaque fois que les visiteurs ont découvert les sculptures en matériau de récupération du plasticien camerounais Malam. »
La plus imposante des œuvres (4 mètres de haut et 300 kilos de plastique et matières diverses) confiée par le résident du 6b, lieu de création et de diffusion dionysien a provoqué « également beaucoup de questions sur le thème de l’écologie. La sculpture amène à s’interroger sur le réemploi des matières, la société de consommation, des thèmes centraux dans la création de Malam », racontent encore les deux médiatrices. Et de notre côté, c’est toujours intéressant d’avoir des visiteurs qui ne sont pas passifs, qui réagissent aux œuvres. C’est une interaction qui a nourri notre façon de faire visiter le Garage B, tout au long de l’été. »
Y compris lorsqu’il a fallu se confronter à un visiteur pas spécialement enthousiaste : « Franchement, il n’y en a eu qu’un seul pendant tout l’été, lâche Priscila, dans un grand sourire. Il nous a bien fait comprendre, haut et fort, qu’il n’avait pas aimé, que cette forme d’art était incompréhensible. Et surtout, il ne voulait rien entendre ! Mais, finalement, son intervention nous a permis d’ouvrir le débat avec le groupe de visiteurs qui suivaient. »
Moralité, la médiation culturelle est aussi tout un art…
Frédéric Haxo
Un futur tiers-lieu à l’horizon 2025
Après l’occupation estivale du Garage B, orchestrée par Art Azoï, l’avenir du lieu est maintenant en train de se dessiner puisque cette pépite urbaine, lovée au cœur d’un Parc départemental de la Bergère restructuré, aura bien un futur.
Son propriétaire, le Département de Seine-Saint-Denis, souhaite, en effet, en faire un tiers-lieu. Avec l’appui de Plateau Urbain, coopérative spécialiste de l’immobilier solidaire, l’équipe de la Délégation « Marketing territorial et attractivité de la Seine-Saint-Denis » travaille donc activement sur la publication d’un appel d’offres, dès cet automne, qui permettra de sélectionner un futur occupant et gestionnaire du site d’ici janvier 2025.
Une nouvelle offre de tiers-lieu qui s’insèrera dans une partie de la Seine-Saint-Denis, déjà riche de différents lieux alternatifs comme le Wonder à Bobigny, ToDay Coworking à Noisy-le-Sec, la Coloc de l’Ourcq FSGT 93 à Bobigny ou encore l’Usine des Transitions-Saft à Romainville-Noisy-le-Sec.
Mais, patience, le In Seine-Saint-Denis vous en dit plus très vite !