Massandje Sanogo, artiste aux identités multiples
À la fois metteuse en scène, comédienne et vidéaste, cette ambassadrice du IN au talent forgé entre Montreuil, Bobigny et Bruxelles est à découvrir lors d’un seule en scène sur les planches montreuilloise du Théâtre de La Noue, les 22 et 23 février. Un spectacle qui raconte sa quête d’identité(s). Portrait en plusieurs actes.
PROLOGUE. UNE ARTISTE FORGÉE IN SEINE-SAINT-DENIS
Comédienne, vidéaste, photographe, mais aussi ambassadrice du In Seine-Saint-Denis, la Montreuilloise Massandje Sanogo, 25 ans, raconte le « 93, [mon] département », de différentes façons. En 2023, elle était, par exemple, membre de la promotion du concours photographique Territoire(s) et s’était attelée à un travail « sur le thème de l’enfance en Seine-Saint-Denis à travers les espaces de jeux des quartiers du département » tout en poussant un peu plus le projet de son seul en en scène intitulé « Rapport sur ma vie antérieure de femme noire ».
Une manière de se dé-multiplier qui lui permet justement de construire pas à pas sa carrière artistique initiée au moment de son adolescence montreuilloise. « Pour moi, tout a commencé au lycée Jean-Jaurès de Montreuil via une option théâtre, se souvient-elle. Ensuite, j’ai poursuivi au Conservatoire Jean Wiener à Bobigny. C’est de là que datent mes premiers pas dans le théâtre et puis j’ai poursuivi ensuite à l’Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion à Bruxelles entre 2019 et 2021. »
ACTE 1. EN QUETE D’IDENTITÉ...
Solidement formée avec l’ambition de devenir comédienne professionnelle, Massandje Sanogo va ensuite se lancer dans une quête d’identité provoquée par une simple phrase lâchée par sa mère : « Toi, ta peau est noire mais c’est comme si tu étais blanche… »
Une réflexion qui enclenchera donc l’écriture de son premier seul en scène « Rapport sur ma vie antérieure de femme noire » joué en 2023 au Théâtre de La Noue à Montreuil. « Cette phrase aux allures anodines, sera pour moi destructrice, explique la jeune femme. Pour ma mère, je ne collais pas à l’image de la fille noire, à cause de mon look, de ma manière de parler, de mes fréquentations et de mes ambitions artistiques. »
Un décalage qui tient largement au décalage avec la situation éprouvée par sa mère qui quitte la Côte d’Ivoire pour la France dans les années 90. Arrivée dans l’Hexagone, cette dernière subit une régression sociale. « En France, elle devient femme de ménage alors qu’elle venait d’un milieu assez aisé à Abidjan, elle se voit même discriminée dans son travail. La raison ? C’est une femme noire… »

ACTE 2. À LA POURSUITE DE SOI...
Cette quête d’identité, Massandje Sanogo va ensuite la poursuivre lors de diverses résidences artistiques ou voyages effectués à travers le monde, en Inde, à New York ou encore dans la Côte d’Ivoire de ses origines : « Lorsque je suis allée à New Delhi pour créer un spectacle, je me suis rendu compte qu’il y avait, là-bas, une assez forte diaspora noire africaine. Du coup, j’ai commencé à mener des recherches sur la réalité de cette diaspora pour mieux m’expliquer leur parcours, le confronter aussi au mien. Et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire des bouts de récits sur mon expérience, mon ressenti. Et puis, j’ai continué à écrire lorsque je me suis retrouvé à New York dans le cadre d’une bourse de Mobilité internationale de recherche artistique (MIRA) de l’Institut Français, où j’ai prolongé mon travail en menant cette fois des recherches sur l’histoire des afro-américains. »
Une nouvelle quête d’identité(s) qui la mènera finalement à l’écriture d’un nouveau seule en scène intitulé « Mass o Menos ». Un jeu de mot habile combinant le diminutif du prénom de la jeune femme avec l’expression « plus ou moins » en espagnol. Ce qui donne au bout du compte un spectacle d’une heure « qui allie vidéo, texte et musique, et même rap et slam, pour interroger le déracinement, l’appartenance, la résistance, et aborder les enjeux psychologiques et sociaux des discriminations », résume son auteure qui sera de retour sur la scène du Théâtre de la Noue, les 22 et 23 février prochains (1).
ACTE 3. VERS DE NOUVEAUX HORIZONS EUROPEENS
Dans les prochains mois, Massandje Sanogo fera partie de « Common Stories », un laboratoire itinérant soutenu par l’Union Européenne et initié par la MC93 à Bobigny qui rassemble « huit artistes émergent·es des arts du spectacle vivant dont les parcours ou champs d’exploration traversent les questions de diversité. » Expliqué autrement et par la principale intéressée, « ce sera une résidence itinérante qui nous fera nous poser dans différents lieux culturels en Europe mais aussi en Afrique. L’objectif, c’est déjà de se rencontrer entre artistes et d’interroger ensemble les questions de diversité. Il y aura aussi des conférences, des débats, des réunions qui vont nous permettre de réfléchir à ce sujet, mais aussi de se créer un réseau. Ensuite, ces différentes résidences vont nous permettre de nous structurer un peu plus : de savoir comment mieux proposer nos productions, de mieux savoir se vendre en fait. Parce que, personnellement, j’ai évidemment envie de faire vivre mes créations, de les interpréter sur un maximum de scènes en France ou ailleurs. » Une façon enfin pour l’artiste montreuilloise de démontrer « qu’on peut aussi créer en Seine-Saint-Denis, que tout ne se passe pas seulement au centre de Paris… »

EPILOGUE OU PRESQUE. DES RÊVES DE REALISATION
Lorsqu’elle aura fait « tourner [ses] deux pièces à fond », Massandje Sanogo aimerait « réaliser des films et remporter un César, ambitionne-t-elle très clairement. Mais, j’y vais étape par étape », ajoute la jeune femme qui se dit influencée par le travail de la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop dont le dernier opus « Dahomey » sorti en 2024 et récompensé par l’Ours d’or au Festival de Berlin s’attachait à l’histoire des œuvres d’art pillées au XIXᵉ siècle et restituées au Bénin par la France en 2021.
Une autre histoire de combat(s) pour retrouver son identité…