Athina Marmorat, révélatrice d’ambitions au « pluri-elles »

Athina Marmorat, révélatrice d’ambitions au « pluri-elles »

Offrir à des jeunes filles de milieu modeste, une chance de se révéler à elles-mêmes, c’est l’objectif poursuivi depuis 2013 par la fondatrice de l’association « Rêv’Elles » installée à Pantin. Portrait d’une ambassadrice du In Seine-Saint-Denis qui sait ce que croire en soi signifie.

C’était en 2013, Athina Marmorat, alors consultante et formatrice en innovations pédagogiques et sociales, créait l’association « Rêv’Elles ».

Un jeu de mots astucieux bien sûr, mais aussi le résumé d’une ambition qui perdure encore aujourd’hui : « Faire en sorte que demain donne une génération de jeunes femmes qui soient bien dans leur corps, dans leur cœur, dans leur tête, et qui prennent place dans la société a? laquelle elles appartiennent. »

Huit ans plus tard, l’association Rêv’Elles a accompagné plus de 750 jeunes femmes de 14 à 20 ans en Île-de-France (40 % en Seine-Saint-Denis) et en région Auvergne-Rhône-Alpes à travers différents parcours pédagogiques qui ont en commun de « développer le potentiel de chaque jeune fille par un accompagnement sur la confiance en soi ». Une manière aussi « d’ouvrir la porte en grand aux rêves et aspirations d’un très grand nombre de jeunes filles issues en majorité des quartiers prioritaires de la ville ».

Un engagement qui fait écho à l’histoire personnelle d’Athina Marmorat : « J’ai 43 ans et j’ai grandi à Paris dans le quartier de Ménilmontant, qui était encore populaire », raconte-t-elle. « Mon premier rôle-modèle restera mon père, qui avait fui la Tunisie à l’âge de 18 ans pour des raisons politiques. Arrivé en France, il a repris des cours du soir pour devenir ingénieur qualité et il a été pour moi un vrai exemple de persévérance. Surtout, il m’a toujours répété : « Ma fille, la question d’être un garçon ou une fille ne se pose pas, tu peux faire tout ce que tu veux si tu oses et si tu fais en sorte de ne jamais être dépendante de quiconque ». Il m’a donné une grande confiance en moi, qui plus tard, m’a été très utile lorsque j’ai vécu le choc des cultures en passant de mon lycée de quartier cosmopolite à une école de commerce privé dans le Marais où j’étais la seule fille issue de la diversité, et de classe moyenne. Alors, forcément, aujourd’hui, je me reconnais dans ces jeunes filles que j’accompagne avec Rêv’Elles… »

Un triple déterminisme

En revanche, c’est parce qu’elle ne se reconnait plus dans sa première vie professionnelle passée comme cheffe de produit chez France Telecom, puis commerciale dans l’industrie du tabac, qu’elle va opérer un changement de parcours radical. Des objectifs de vente presque impossible qui s’enchaînent vont provoquer chez Athina Marmorat un ras-le-bol général et une perte de sens. Elle démissionne, déprime un temps, puis s’oriente finalement vers le secteur de l’entreprenariat social en intégrant en 2009, Mozaïc RH, le cabinet de recrutement spécialisé dans la promotion de la diversité, avec le titre de cheffe de projet en charge de l’outil du CV-vidéo. « C’est en travaillant pour Mozaïc RH que je me suis aperçu qu’il fallait vraiment travailler en amont, que beaucoup de jeunes évoluent, malgré eux, dans des métiers qui ne leur correspondent pas », estime-t-elle aujourd’hui.
Au cours de ses trois années passées à sillonner entre 2009 et 2012 les lycées d’Ile-de-France et de Seine-Saint-Denis pour des fondations et des associations du secteur de l’égalité des chances, elle nourrit ainsi, jour après jour, le projet Rêv’Elles à force d’entendre que les aspirations des jeunes femmes des quartiers se cantonnent au même top 3 de métiers qui forment leur univers social : puéricultrice, secrétaire ou assistante de direction « J’avais envie qu’elles aient la possibilité de rêver en beaucoup plus grand, qu’elles puissent s’imaginer architecte ou médecin si elles en ont l’envie… »

Aller vers une société plus inclusive

En 2013, un premier galop d’essai de Rêv’Elles la pousse finalement à franchir le pas de la création de son association : « Je me souviens encore d’une jeune fille (Yasmina) qui était de la Courneuve. A l’issue d’une intervention qui avait duré 2 jours, elle avait pris la parole devant l’ensemble des intervenants pour nous dire : « Moi, mon père est au chômage, mon frère aussi, alors je croyais que ce qui m’attendait c’était aussi le chômage, mais en vous écoutant, je me suis rendu compte qu’il y avait d’autres possibilités pour moi. » C’était un grand moment…

En deux jours, on avait réussi à déconstruire ce triple déterminisme -de genre, social et de territoire- qui bloque trop souvent le parcours des jeunes filles des quartiers. »
Rêv’Elles est en germe. « L’autre moment fort qui a conduit à la création de Rêv’Elles, se souvient aussi Athina Marmorat, c’est cette autre jeune femme qui m’a interpellé en me demandant « mais, pourquoi vous intéressez vous à nous ? » Là, je me suis dit, ce n’est pas possible que des jeunes filles de 16 ans, qui sont l’avenir de la France, se posent encore ces questions-là ! Donc, si on veut construire une société plus juste et inclusive, il faut travailler avec elles dès le plus jeune âge. »

Une crise sanitaire qui renforce les inégalités

Et, c’est ce qu’elle n’a eu de cesse de faire ces huit dernières années. Rêv’Elles, association basée à Pantin, compte aujourd’hui 11 salariées, une antenne en Ile-de-France et une autre à Lyon. Et continue de développer différents programmes auprès d’un public de jeunes filles issues de milieux modestes, majoritairement collégiennes et lycéennes, parfois en de?crochage scolaire ou en échec post-bac. « En aidant ces jeunes filles à faire un travail sur elles-mêmes, on fait en sorte qu’elles puissent s’ouvrir vers l’extérieur et prendre en mains leur destin. Rêv’Elles, c’est donc un voyage intérieur et l’action d’un effet miroir avec l’intervention régulière de femmes rôle-modèles qui au travers leurs histoires et de leurs parcours leur prouvent qu’elles peuvent, elles aussi, y arriver », détaille encore l’ambassadrice du In Seine-Saint-Denis. Un modèle d’action symbolisé par le programme gratuit « Rêv’Elles ton potentiel – 5 jours d’un premier parcours qui scelle l’alliance entre les participantes et l’association doublé par un accompagnement de 5 mois qui permet de renforcer la confiance en soi- que la Montreuilloise Athina Marmorat aimerait encore renforcer à l’heure de la crise sanitaire :

« Plus que jamais, les filles de milieu modeste ont besoin de se sentir soutenues parce que leurs parents sont souvent les premiers touchés par la crise que nous traversons, analyse-t-elle. C’est pour cela que nous avons, par exemple, mis en place une opération Covid d’urgence pour aider les jeunes filles à moins subir la fracture numérique en leur fournissant des ordinateurs portables pour suivre leurs cours ou des clés 4G. Les inégalités sont déjà assez fortes sans cette crise, alors autant agir pour ne pas les laisser se renforcer… »

 

SON 8 MARS A ELLE…

« Cette journée du 8 mars, c’est un moment où l’on remet à l’honneur les avancées en matière de droits des femmes, mais surtout tout ce qui reste à faire ! Et les sujets sont nombreux entre la part encore trop mince des femmes à des postes de responsabilité ou la question des violences faites aux femmes qui se sont renforcées avec la crise sanitaire. Et puis, le 8 mars, c’est aussi une journée de célébration des femmes qui font avancer ces causes-là, comme des projets ou des structures qui ne sont pas assez visibles et font pourtant avancer les choses. Dans les quartiers, et notamment en Seine-Saint-Denis, il y, par exemple, beaucoup de femmes qui se bougent avec peu de moyens, mais on ne les voit malheureusement pas assez. »

 

 

La pédagogie Rêv’Elles à découvrir le 9 mars avec Positive Planet France

« Faciliter l’accès au monde de l’emploi par la connaissance des différents univers et codes de travail », c’est un des fondements de la pédagogie Rêv’Elles que détaillera Athina Marmorat lors du « 2ème Positive Talk 100% digital » organisé le 9 mars par Positive Planet France (1) sur le thème « l’entrepreneuriat, moyen d’émancipation des femmes dans les quartiers ? » Un évènement où elle croisera son regard sur la Seine-Saint-Denis avec une autre ambassadrice du In, Aissé N’Diaye, styliste grandie à Clichy et fondatrice de la marque de vêtements « Afrikanista ».

(1) A partir de 10h30, inscription en cliquant sur ce lien.

 

Frédéric Haxo

Crédit photo illustration : Jérome Cuento

Crédit photo article : Dilan Pozza