Elise Herszkowicz, le « mur-mur » de l’art…

Elise Herszkowicz, le « mur-mur » de l’art…

Depuis plus de dix ans, la directrice artistique et fondatrice de l’association Art Azoï, entreprend de faire des murs urbains des espaces d’art ouvert et coloré. Ce printemps, elle dirige le projet qui va transformer l’ancien garage départemental du Parc de la Bergère, en laissant carte blanche à onze artistes urbains. Rencontre.

C’est classiquement à l’âge de l’adolescence qu’Élise Herszkowicz, désormais 45 ans, a commencé à faire le mur… Enfin, pas de la façon dont vous l’imaginez. « J’étais adolescente au moment de l’âge d’or du graffiti à Paris et j’étais amie avec des taggueurs, se souvient la fondatrice de l’association Art Azoï, spécialiste de l’art urbain, chargée de redonner vie à l’ancien garage départemental du Parc de la Bergère –lire notre encadré. Je n’ai jamais taggué mais je trouvais génial ce que faisaient les taggueurs en s’emparant des murs. Cette expérience-là a surement fait du milieu des arts visuels et plastiques un centre d’intérêt pour moi… » 

Un intérêt de plus en plus grandissant qui ne se démentira d’ailleurs plus pour la jeune femme élevée par des parents séparés, entre Saint-Denis et le 18e arrondissement parisien, deux fiefs des taggueurs et graffeurs. Après des études en ethnologie puis en sociologie et une spécialisation universitaire en gestion de projets culturels, elle trouve la possibilité créer un lien professionnel et de développer une activité autour de cette forme de création en créant en 2011, l’association Art Azoi qu’elle continue de diriger aujourd’hui : « Tout commence parce que je travaille à Confluences, un lieu dédié à l’art urbain, dans le 20e toujours,je rencontre une élue locale, Nathalie Maquoi, qui veut donner un peu plus de place et de visibilité aux pratiques artistiques urbaines. A l’époque, il y a un ancien dépôt de bus de la RATP qui est investit par les graffeurs, cela a donné lieu à des réalisations anthologiques mais aussi à des complications avec le voisinage. En prévision de la fermeture de ce lieu pour travaux, je propose de mettre en œuvre des murs à programmation en faisant en sorte que le projet s’intègre dans la vie de l’arrondissement… » 

De l’art pour tous

Voilà, rapidement dépeint, comment nait Art Azoï, une association dont le nom fait le lien avec les ascendances d’Elise Herszkowicz : « Azoï vient du yiddish, explique-t-elle. C’est un mot qui veut dire « comme ça », entendu pendant mon enfance. Donc Art Azoï, en dehors d’être un mot joli rigolo qui raisonne avec mon histoire, c’est proposer de l’art comme ça ! De l’art pour tous. Et c’est aussi tout le propos de l’art urbain qui permet la rencontre de « n’importe qui » avec le processus de création. Dans les murs à programmation, on peut passer ainsi 3 secondes, 3 heures ou toute une journée à regarder un artiste en train de créer une œuvre. Ce qui n’est pas du tout le cas lorsqu’on n’a pas accès à une galerie ou à un atelier d’artiste, ni même le temps ou l’envie de le faire. »

Un concept qui s’est démultiplié depuis la création d’Art Azoï il y a 13 ans, d’abord parce que l’association fonde une partie de son activité sur la programmation et la production artistique régulière de trois murs situés dans le 20e arrondissement. Toujours dans ce même vingtième, Élise Herszkowicz a dirigé l’installation, en 2012, d’une fresque pérenne rendant hommage au groupe Manouchian, réalisée par l’artiste Artof. Quatre ans plus tard, pour l’ouverture de la saison musicale et culturelle 2016-2017 de Radio France, Art Azoï est à l’initiative de Radiographik, un projet qui convie neuf artistes à réaliser une œuvre picturale collective sur les façades de la Maison de la Radio.

Des fondations très solides...

En 2021, Elise Herszkowicz est également commissaire d’exposition de L’Essentiel, soit deux étages d’un ancien centre de tri postal de la gare de l’Est, revisités le temps d’une expérience collective d’art éphémère. Tant et si bien qu’à force de faire le mur (près de 200 murs artistiques et une cinquantaine d’évènements ou d’expositions organisés avec Art Azoï), elle est désignée, en 2022, co-commissaire de l’exposition Capitale(s), 60 ans d’art urbain à Paris, à l’Hôtel de Ville. Un évènement qui a réuni plus de 70 artistes et reçu plus de  265 000 visiteurs.

Bref, vous l’aurez compris, les fondations d’Art Azoï et de sa directrice artistique sont plus que solides en matière d’art urbain. Sûrement, parce qu’au pied du mur, l’ambassadrice du In Seine-Saint-Denis conserve la même philosophie détaillée en 2020 à l’occasion de l’exposition Imaginaires de murs au Centre d’art contemporain du Pays de Lorient : « Lorsque l’on évoque les murs, la symbolique nous emmène souvent vers la séparation, la frontière, l’éloignement, l’impossibilité ou le protectionnisme. Il s’agit ici de prendre le contrepied de ces incarnations et de laisser s’exprimer un art ouvert, coloré, résolument tourné vers l’autre et vers la modernité. »

Combattre les clichés

Un credo qui sied parfaitement avec le rôle d’ambassadrice du In Seine-Saint-Denis que cette résidente de Noisy-le-Sec endosse avec entrain et cette fois l’envie de casser les murs d’ignorance dans lesquels certains voudraient enfermer le 93, département le plus jeune de l’Hexagone : « La Seine-Saint-Denis, dit-elle, c’est un vivier d’énergie, de possibilités et de possibles même s’il est aussi « assommé » par les stéréotypes, les clichés et souvent l’abandon de l’État.

Et c’est aussi, malheureusement, le faire-valoir de certains politiques qui veulent justifier leurs politiques d’austérité, de répression et de rejet, en stigmatisant la Seine-Saint-Denis, sa jeunesse et sa mixité. Alors, forcément c’est assez réconfortant de constater que des dispositifs, comme le Made In Seine-Saint-Denis, ne sont pas que du bla-bla et existent bel et bien pour montrer des actions positives, une autre réalité : celle d’un territoire inventif, avec le sens du partage, de la découverte de l’autre. »

Où personne n’est emmuré parce qu’il est vivant…

Elise_Herszkowicz_Art Azoi Elise Herszkowicz

Au garage B, le street-art au fil des flows

C’est dans l’ancien garage départemental de la Seine-Saint-Denis situé au bord de l’Ourcq dans le Parc de la Bergère à Bobigny que l’association Art Azoï, va installer une vitrine du streetart sur le territoire. Lauréat d’un appel à projets lancé par le Département en 2023, le projet du Garage B, rendu à la nudité de ses murs ou presque, s’inscrit dans une série d’évènements et d’actions célébrant les 50 ans du hip-hop.

De Marko93 à Vinie, en passant par Sifat ou encore le sculpteur et plasticien Malam, les 11 artistes réuni.e.s par Art Azoï sont toutes et tous des acteurs et actrices reconnu.e.s de l’art urbain qui prennent, en ce moment, possession des près de 600 m2 d’un lieu en transition vers un nouvel avenir. Après un vernissage, fin mai, des œuvres créées in situ, le Garage B sera ouvert à la visite jusqu’à la fin 2024. Le In vous en dira bientôt un peu plus… 

 

Crédits photo : Bruno Levy pour le In Seine-Saint-Denis

Fréderic Haxo