Flûte et paillettes sur l’Ourcq, le projet In Seine-Saint-Denis d’un canal pas banal…
Lauréat de la dernière édition de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis, ce duo de jeunes architectes réuni sous l’étiquette « Bleus paillettes », projette de partir en « exploration » fluviale sur le cours d’eau emblématique du 93 afin de réinventer ses usages. A bord de leur flûte, une péniche étroite, ils joueront la carte de l’architecture festive et collaborative. Voici de quoi vous mettre à flots sur le sujet.
Mettre une touche de « Bleus paillettes » sur l’Ourcq qui est plutôt vert, c’est l’objectif de Tristan Fermandois et Charles Herrou, duo de jeunes architectes qui ont formé le collectif éponyme. « La couleur avec un s, c’est en référence au vêtement de travail et aussi parce qu’en débutant dans la profession, nous sommes un peu des « bleus, expliquent ces frais diplômés -en 2019- de l’École Nationale d’Architecture Paris-Val-de-Seine. Et puis, parce qu’on n’imagine pas l’architecture, sans la construction et le fait de mettre les mains dans la matière. Enfin, les paillettes sont une façon de marquer notre intention de mettre un peu de fête, de fun dans nos réalisations, l’envie aussi que notre architecture soit très participative, notamment en intervenant sur l’espace public. Ça correspond aussi au fait qu’à l’époque, on se trouvait en plein carnaval de Sao Paulo au Brésil, dans le cadre de nos études… »
Voilà pour la petite histoire… Leur grande histoire, ils aimeraient bien la dérouler du côté du canal de l’Ourcq.
Et pour cela, les deux compères ont prévu de sortir les flûtes. Pas pour le champagne, mais plutôt pour l’eau… Et davantage pour naviguer sur les flots du canal napoléonien grâce à la flûte d’Ourcq, une péniche étroite halée par des animaux, employée jusque dans les années 1960 pour transporter des marchandises sur l’ouvrage artificiel qui relie Paris à la campagne de l’Oise.
Laquelle flûte leur servira donc à poser les bases de leur projet « Canal tropical » primé cet automne par l’Appel à Agir In Seine-Denis en installant au gré d’une navigation prévue à partir du printemps 2022 une « future permanence architecturale. L’idée, résume le Parisien Tristan Fermandois, c’est d’aller à la rencontre des acteurs du canal aussi bien associatifs que sportifs ou culturels, mais aussi les communes de Seine-Saint-Denis qui bordent les rives de l’Ourcq et bien sûr les habitants pour dessiner à terme une vision utopique de comment les rives du canal, mais aussi le cours d’eau, pourraient se transformer. Ce qui peut être fait en installant du mobilier architectural, des installations artistiques ou encore des lieux-repère qui feront vivre cet axe qu’utilisent beaucoup de gens pour aller travailler à Paris ou vers la Seine-Saint-Denis. »
Des échappées pédalées
Un travail déjà esquissé et imaginé lors d’explorations à vélo menées régulièrement par Tristan Fermandois et Charles Herrou pour ce qui ne devait être au départ qu’un objet d’études lors de leur parcours au sein de l’École d’architecture Paris Val-de-Seine. « Et puis, à force de découvrir que ce canal recelait des lieux géniaux au cœur d’un environnement très urbain, on a eu envie d’aller plus loin. En quelques coups de pédale, on trouve au gré du canal, beaucoup de sites inspirants… » Pour y poser, pourquoi pas, leur « Atelier Nuage », une « cellule mobile de réparation de vélos développée comme un lieu de rencontre et d’échange » où les cyclistes trouvent aussi bien des outils pour leurs montures qu’un espace de détente.
Une réalisation primée en 2020 lors d’un concours d’architecture expérimentale organisée par la Fondation Louis Vuitton en hommage à l’architecte et designer Charlotte Perriand. « Ce qui est sûr, prolonge le duo, c’est que le vélo a aujourd’hui un rôle central sur l’Ourcq avec la piste cyclable qui le longe. Et, la place des cyclistes, sera évidemment un des enjeux de notre future exploration du canal. »
Au bout du moulinet
Depuis leur résidence éphémère des Tours Mercuriale à Bagnolet, un des espaces du projet SoukMachines , ils vont donc tout au long de l’hiver, prendre le temps d’affiner les différentes façons de se jeter vraiment à l’eau : « On peut tout imaginer, disent-ils . Des transports en commun fluviaux, des ports qui seraient le point de départ d’espaces pour apprendre à naviguer, des endroits pour se baigner, des espaces de jeux… Il y a différentes manières de faire en sorte de rapprocher les berges du canal d’un usage artistique, créatif, éducatif… » Reste désormais à aller aussi à la pêche aux partenaires avec dans leur moulinet le label de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis :
« Être lauréat de cet Appel donne une légitimité énorme à un projet qu’on mouline dans nos têtes depuis deux ans , sourit Herrou, l’Auvergnat de Volvic. Le fait que le Département de Seine-Saint-Denis soutienne notre projet, c’est aussi un moyen d’aller au-devant d’autres collectivités, avec un peu plus de poids, pendant notre futur arpentage du canal. »
En attendant, ils ont aussi pris pied, l’été dernier, sur d’autres berges, celles des méandres de la Seine à l’Ile-Saint-Denis pour une préfiguration avec leur « Port-Maurice », de ce que pourrait être un réaménagement architectural des rives de la commune ilienne. Conclusion provisoire : flûte, il va falloir attendre la suite !
Frédéric Haxo
Crédits photo: Bruno Lévy