Jeunes et inspirants : les talents qui influencent la Seine-Saint-Denis de demain

Jeunes et inspirants : les talents qui influencent la Seine-Saint-Denis de demain

Aux quatre coins du 93, ces ambassadeurs et ambassadrices du In Seine-Saint-Denis sont chacun à leur manière des « influenceurs » d’un territoire et de sa jeunesse. Deuxième épisode de notre série avec un nouveau focus à la rencontre d’un quintet d’acteurs et d’actrices inspiré.e.s du territoire.

Des projets qui se croisent, des numéros qui s’échangent, des communautés d’intérêt qui s’assemblent au détour d’une conversation informelle, c’était tout l’objet de l’épisode 2, le 8 avril dernier à Aubervilliers, de la série de temps de rencontre entre Stéphane Troussel, le Président du Département et de jeunes porteurs de projets innovants. Dans le cadre détendu du tiers-lieu artistique « Les Chambres », la petite assemblée d’ambassadeur·rices du In Seine-Saint-Denis a déroulé le fil de ses projets et raconté comment chacun à sa manière vit son rôle d’« influenceur » du territoire et de sa jeunesse.

« Il faut croire en la force de ses projets »

Laetitia Defoi et Anoucka Kponou, créatrices de l’application mobile Drepacare, lauréates de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis 2021

 Lauréate en 2021 de l’appel à projet Agir In Seine-Saint-Denis, l’association Drepacare développe depuis 2018 une application pour informer, sensibiliser et accompagner les personnes atteintes de la drépanocytose, la première maladie génétique au monde avec plus de 50 millions d’individus atteints par cette anomalie de l’hémoglobine qui entraîne anémie, crises de douleurs articulaires ou osseuses.

Un projet que les trois ambassadrices du In, Laetitia Defoi, Anouchka Kponou et Meryem Ait Zerbane, ont muri à partir de 2015 lors de leur Master commun en santé publique à l’Université Paris-13 Bobigny-Villetaneuse.  Et qu’elles continuent de porter aujourd’hui partout en France, à l’étranger et bien sûr en Seine-Saint-Denis : « Dans le 93, on fait régulièrement des interventions dans les hôpitaux, dans les lycées ou dans les écoles d’infirmières pour mieux faire connaître notre application et expliquer ce qu’est cette maladie », expliquent Laetitia Defoi (31 ans) et Anouckka Kponou (34 ans). C’est d’autant plus nécessaire en Seine-Saint-Denis à cause de la prévalence de la maladie dans le département. L’ambition, c’est d’améliorer le parcours de soins des malades grâce à l’application qui permet, par exemple, de lutter contre l’isolement, de faire un suivi des douleurs pour mieux « préparer » une arrivée aux urgences. »

Primé à de multiples reprises et encore en 2021 par la fondation Afnic pour la solidarité numérique, l’application mobile Drepacare est aussi pour les jeunes ambassadrices du In « une manière de montrer à la jeunesse de Seine-Saint-Denis qu’on peut réussir à monter des projets utiles à la société même lorsqu’on vient de minorités ou qu’on n’est pas forcément issus des beaux quartiers.

L’important, c’est de croire en ses projets, même si le parcours n’est pas toujours simple. En tout cas, en Seine-Saint-Denis, la jeunesse peut s’appuyer sur la force du réseau du In et c’est très important. »

D’ailleurs, remarque Stéphane Troussel, les fondatrices de Drepacare « pourraient aussi tout à fait s’appuyer sur l’Académie Populaire de la Santé. Un programme créé en 2021 afin que les habitants de la Seine-Saint-Denis puissent devenir des référents de santé auprès de leur entourage. »

Régulièrement, les ambassadeur.rice.s en santé de l’Académie Populaire élaborent ainsi des vidéos pédagogiques pour informer les habitante.s du 93 de leurs droits en santé, leur donner des conseils pratiques et leur indiquer les structures vers lesquelles ils peuvent se tourner en cas de besoin.


« Ouvrir les plus jeunes à l’art, leur donner une chance de trouver leur voie… »

Malo Garnier, fondateur du tiers-lieu artistique Chez Régine à Aubervilliers, dédié aux arts urbains et aux jeunes artistes émergents.

Depuis janvier dernier à Aubervilliers, les arts urbains qui ont l’habitude de faire le mur sont bien dans leurs murs avec l’ouverture de « Chez Régine », un tiers-lieu artistique qui promeut l’art urbain au cœur de l’ex-entrepôt d’un grossiste en linge de maison. Une création derrière laquelle on trouve Malo Garnier, co-fondateur de l’association L’Écluse et ambassadeur du In. « Notre objectif ultime, expose ce dernier,

c’est d’être un lieu de transmissions des techniques de l’art urbain pour éviter que cet art ne vieillisse et se perde, que les jeunes générations comprennent aussi ce qu’est cette forme d’art née au cœur de friches urbaines qui sont en train de disparaître avec les transformations urbaines.

Pour nous, ce qui compte dans l’art urbain, c’est aussi de montrer aux plus jeunes la dimension citoyenne de cette pratique artistique. Comment en fait les artistes peuvent participer à changer l’espace public, à progresser également sur la question de l’égalité femmes-hommes. »

Une dimension citoyenne qui passe aussi « par l’ouverture de l’art aux plus jeunes, aux artistes émergents. Chez nous, toute personne avec une envie de créer sera la bienvenue », développe encore Malo Garnier. Voilà pourquoi depuis ce printemps, le tiers-lieu « Chez Régine » accueille également l’espace d’une année, Sandre, 25 ans, spécialiste du graff et heureuse élue d’un appel à résidences In Seine-Saint-Denis. 


« Donner envie aux jeunes de Seine-Saint-Denis de s’investir aussi pour le bien commun »

En 2010, cet étudiant fondait au Blanc-Mesnil l’association Espoirs Jeunes. Douze ans plus tard, il est devenu capitaine des pompiers et poursuit le projet.

 Fondée en 2010 par de jeunes étudiants Blanc-Mesnilois, l’association Espoirs Jeunes poursuit depuis son chemin. « On fait du soutien scolaire dans différents collèges du 93, tout en travaillant à l’international sur différents projets autour de l’accès à l’eau en Inde, au Sénégal et au Maroc », détaille Moussa Kebe, capitaine des pompiers et co-fondateur d’Espoirs Jeunes. Des projets internationaux, poursuit-il, qui doivent aussi avoir un intérêt pour les jeunes du 93 : pédagogique bien sûr mais aussi en matière d’ouverture sur le monde. Et puis, dans tout ce que nous faisons, l’ambition c’est aussi que la jeunesse prenne notre suite, s’investisse bien sûr dans nos projets actuels et en invente de nouveau.

Nous ne sommes pas éternels et c’est important de susciter pour les plus jeunes l’envie de s’investir pour le bien commun. »

Et pour atteindre cet objectif, Espoirs Jeunes fourmille de projets entre l’organisation de « colonies apprenantes » pendant les vacances scolaires et programme de découverte du journalisme sportif pour des élèves du Collège Mandela au Blanc-Mesnil dans la perspective des Jeux de 2024.

Un dernier projet qui pourrait tout à fait bénéficier de l’expertise et du soutien d’« Agora, le programme d’éducation aux médias et à la liberté d’expression développé par la Seine-Saint-Denis », prolonge Stéphane Troussel, le Président du Conseil départemental.


« Apporter de la confiance aux plus jeunes »

Inès Seddiki,a fondé en 2016 l’association Ghett’up qui développe, entre autres, les ateliers « 93-Express » auprès des collégiens et lycéens de la Seine-Saint-Denis.

« Redonner confiance aux jeunes de banlieue, rompre avec les clichés de l’échec et récupérer tous les talents gâchés par la crainte d’un échec programmé », c’était la volonté de départ affichée par la Stanoise Inès Seddiki lorsqu’elle crée en 2016 l’association Ghett’up avec la ferme conviction que la solution « aux défis des banlieues viendra de ses habitants. » Six ans plus tard, Ghett’up continue de porter différents programmes capables de « créer les conditions pour que les jeunes des quartiers populaires se valorisent, se réalisent et prennent leur place dans la société », synthétise encore Inès Seddiki. Un exemple ? Les ateliers 93-Express by Ghett’up permettent à des jeunes collégiens et lycéens de la Seine-Saint-Denis d’entrer en connexion via le digital avec leurs homologues à travers le monde pour parler musique, cinéma, mais aussi actualité, économie, politique…

Prochaine étape pour Ghett’up, la création en Seine-Saint-Denis du « Sas, un lieu « de formation et de programmation » pour les jeunes des quartiers développé en partenariat avec le Crédit coopératif et Lita.co, une plateforme d’investissement participatif dédiée à l’entrepreneuriat social et au développement durable créée en 2014 par Eva Sadoun. Inès Seddiki encore : « Le projet du Sas est née d’une rencontre avec Eva Sadoun parce que nous trouvons qu’il est très important de créer des espaces où les plus jeunes peuvent travailler ensemble sur des projets, être guidés aussi. Notre rôle d’influenceuses, c’est aussi de leur apporter de la confiance, d’être en quelque sorte des guides… »


« Rendre les jeunes encore plus fiers d’être du 93 ! »

Co-créatrice d’une application dédiée aux bons plans loisirs et sorties, la Clichoise Myriam Fekih a remporté le prix du public des trophées de l’entreprenariat Créatrices d’Avenir en 2021.

 

Avec N’Joy App, une application mobile de bons plans de sorties loisirs, divertissements bien-être issus d’une sélection de plus de 250 partenaires franciliens, la Clichoise Myriam Fekih veut « aller chercher toutes les pépites du 93 afin de donner un accès aux loisirs le plus large possible aux familles et aux plus jeunes qui n’en ont pas forcément les moyens parce que la moindre sortie coûte très chère en région parisienne. » Disponible sur les stores au prix de 9,90 euros par mois « remboursés dès votre premier achat », N’Joy fonctionne sur le principe d’un produit acheté, un produit offert.

« Après la longue période de confinements-déconfinements, les jeunes ont l’envie de sortir, découvrir des lieux. Et s’ils peuvent faire des économies dans une période où le pouvoir d’achat s’amenuise, c’est encore mieux », poursuit la trentenaire, titulaire d’un Master de commerce international.

Soutenue par Mieux Entreprendre 93, le 1er réseau d’entrepreneurs de la Seine-Saint-Denis, Myriam Fekih était récemment au Canada et à New York pour présenter son application à des décideurs locaux : « Notre but, c’est de donner l’opportunité aux touristes internationaux de ne pas se contenter des mêmes lieux parisiens de visite lorsqu’ils débarquent en France. Il y a une quantité incroyable de lieux culturels, de musées de cinémas, de parcs à découvrir en Seine-Saint-Denis.

Ce serait ainsi un moyen de changer l’image du 93 et d’accroitre la fierté d’appartenance des plus jeunes à ce département qui est très dynamique en matière de projets associatifs, de créations d’entreprises. »

Une idée qui a séduit le président du Conseil départemental, Stéphane Troussel : « On pourrait, par exemple, imaginer des connexions entre les partenaires de votre appli et ceux de la carte Ikaria dédiée aux seniors du département. » Disponible gratuitement pour tou·te·s les habitant·e·s de la Seine-Saint-Denis de plus de 60 ans, la carte Ikaria offre l’accès à de nombreux avantages, à des réductions, à des privilèges dans un réseau de partenaires culturels et de loisirs du 93.


« En Seine-Saint-Denis, il y a une vraie volonté d’agir pour la jeunesse… »

Au sein de l’organisation internationale Empow’Her, Joséphine Py, accompagne et booste le parcours des femmes entrepreneures. Notamment à travers le programme « Women Act Boost » qui soutient des projets à fort impact social et environnemental.

Depuis 2011, l’association Empow’Her s’engage via un réseau international pour l’autonomisation des femmes dans le monde. Avec un objectif majeur : rendre l’entrepreneuriat plus accessible et plus enrichissant pour les femmes en mettant en place des programmes de formation et de renforcement de compétences. Une ambition souvent mise en action en Seine-Saint-Denis, par exemple en 2020 et 2021 lorsque Empow’Her a organisé les deux premières éditions de son Festival à La Cité Fertile de Pantin, en partenariat avec le In Seine-Saint-Denis. Bref, « des liens forts existent entre la Seine-Saint-Denis et Empow’her », résume Joséphine Py, responsable des programmes France-Europe présente à Aubervilliers lors du rendez-vous In des jeunes influenceurs. « Une très bonne opportunité d’échanger à bâtons rompus avec d’autres jeunes ambassadeurs du In, et le président du Département Stéphane Troussel, sur des dynamiques du territoire qu’on peut essayer de susciter ou même de créer ensemble, expose Joséphine Py. Par exemple avec Inès Seddiki de l’association Ghett’up, beaucoup de points communs nous rassemblent dans nos actions et on a vraiment l’envie de créer des choses en synergie. Donc, pouvoir échanger, comprendre les enjeux de chacun, c’est toujours très positif pour avancer un peu plus vite.

Et puis, de manière plus générale, ce rendez-vous créé par le In Seine-Saint-Denis montre que dans le 93 il y a une vraie volonté d’engager des solutions, des projets positifs au service de la jeunesse et des femmes.

Ça nous donne donc de l’enthousiasme et de l’optimisme pour continuer nos actions, les amplifier… »


« 1001 façons de s’engager aux côtés de Règles Élémentaires !»

Tara Heuzé-Sarmini, a fondé en 2015 la première association française de lutte contre la précarité menstruelle. Avec déjà de nombreux relais en Seine-Saint-Denis.

C’est en 2015 que Tara Heuzé-Sarmini, 28 ans, a fondé « Règles Élémentaires », la première association française de lutte contre la précarité menstruelle. Avec une double mission : « Collecter des produits d’hygiène intime à destination des femmes dans le besoin et briser le tabou des règles. » Depuis, l’association a fait son chemin partout en France et en Seine-Saint-Denis puisque explique-t-on du côté de l’équipe dirigeante « il y a 1001 façons de s’engager aux côtés de Règles Élémentaires ! »

En voici déjà quelques-unes : donner des produits d’hygiène intime dans l’un des nombreux points de collectes, devenir organisateur·ice d’une collecte, redistribuer les produits collectés aux plus démunies, installer une boîte à dons sur son lieu de travail, rejoindre l’équipe de l’association, prêter main forte aux organisateurs de collectes locales. Ou bien sûr en faisant un don. Il faut dire que l’étendue de la tâche est large puisque on estime à 2 millions le nombre de femmes dans l’Hexagone victimes de la précarité menstruelle et manquant de produits d’hygiène intime. En attendant, les 6 antennes régionales des Règles Élémentaires ont déjà redistribué plus de dix millions de produits d’hygiène intime depuis 2015. Et déjà près d’une quinzaine de points de collecte des Règles Élémentaires sont implantés dans le 93.

Un combat qui pourrait amener à des collaborations avec la Seine-Saint-Denis qui a décidé d’expérimenter l’installation de distributeurs gratuits de protections périodiques dans plusieurs collèges, tout en développant des projets éducatifs autour des règles. En 2021, le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis a consacré un budget de 5 millions d’euros à la lutte contre la précarité menstruelle.  Enfin, jeune femme engagée, Tara Heuzé-Sarmini vient aussi de lancer « Commune », un projet de « coliving urbain » pour familles monoparentales. L’ambition de ce concept qui se matérialisera dans un premier temps à Paris : créer « une communauté au sein de laquelle tous les parents célibataires et leurs enfants pourront s’épanouir. » Une manière aussi de prolonger le mantra de l’entrepreneuse solidaire : « Faire advenir un monde où règnent la dignité, l’égalité et la solidarité, en utilisant la tech. »

 

 

Frédéric Haxo
Crédits photo: Bruno Lévy