Madeline Da Silva, une ambassadrice In Seine-Saint-Denis combative en faveur de l’éducation à l’égalité
Féministe convaincue et figure du mouvement « #NousToutes », Madeline Da Silva s’engage comme ambassadrice pour faire vivre l’égalité femmes-hommes. Entretien avec une femme de combat(s).
En 2011, Madeline Da Silva était apparue sur les radars médiatiques en coordonnant le collectif de soutien pour dénoncer le projet de fermeture de la maternité des Lilas où elle vit depuis 2009. Un an plus tard, cette ex-travailleuse sociale, qui a grandi du côté de Noyon en Picardie, devenait élue à la petite enfance et aux affaires scolaires dans cette même ville des Lilas. Elle y travaille (entre autres choses) à faire vivre l’éducation à l’égalité, tout en l’amplifiant à travers le mouvement #NousToutes, collectif dont elle est devenue l’une des figures, marchant au premier rang le 24 novembre 2018 d’une manifestation nationale contre les violences sexuelles et sexistes faites aux femmes avec des slogans à ne pas clamer avec les lèvres pincées comme « Ta main sur mon cul, ma main dans ta gueule ! ». Entretien avec la nouvelle ambassadrice du In à la veille du 8 mars, journée internationale des droits des femmes.
Vous venez de rejoindre le réseau des d’ambassadrices du In-Seine-Saint-Denis ? Quel sens donnez-vous à votre implication ?
Madeline Da Silva. L’idée, c’est de porter haut et fort que je peux être une ambassadrice de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que de l’éducation à l’égalité en Seine-Saint-Denis. Je crois beaucoup à la force des réseaux, aux échanges de pratiques innovantes et qui fonctionnent. Je suis sûre que certaines pratiques déjà existantes n’auraient besoin que de se dupliquer et pour cela il faut des lieux de rencontre et de travail en commun. Et puis, je veux être force de proposition au sein du réseau des ambassadrices et ambassadeurs sur ces questions.
Par ailleurs, je suis aussi élue issue de la société civile au sein de la ville des Lilas et militante des droits de l’enfant et des droits des femmes. Ce qui signifie qu’aujourd’hui, mon objectif principal est de faire lever le niveau de conscience sur les violences sexistes et sexuelles que vivent les femmes et les enfants, et ainsi créer un rapport de force qui obligera les pouvoirs publics à réagir et à lancer des politiques publiques qui soient à la hauteur de ces violences.
Lorsque vous dîtes qu’il faut créer un rapport de forces, cela signifie qu’il y a urgence à faire réagir la société, que les choses n’ont pas suffisamment changé dans le sillage des mouvements « me too » et « balance ton porc » ?
Madeline Da Silva. Oui, parce que, globalement, les politiques publiques ne sont franchement pas à la hauteur de la réalité du terrain : donc soit on laisse faire et on attend, soit on interpelle, on milite et on est présent partout pour faire réagir les pouvoirs publics puisque le sujet peut être porté par l’opinion publique. J’ai notamment porté une pétition qui a permis, en collaboration avec Laurence Rossignol, sénatrice, à faire évoluer la loi. Une personne qui s’est rendue coupable de violence ne pourra plus être éligible. Actuellement, avec une autre pétition (600 000 signatures), je défends l’instauration d’un seuil d’âge en dessous duquel les enfants seront automatiquement considérés comme non consentants à une relation sexuelle avec un adulte.
C’est donc avec cet objectif qu’est né le mouvement « Nous Toutes » que vous portez avec d’autres ?
Madeline Da Silva. Exactement, Nous Toutes est un mouvement citoyen dont l’objectif est d’en finir avec les violences sexistes et sexuelles : aujourd’hui Nous Toutes est représenté par 100 comités locaux dans toute la France et a entraîné 60 000 personnes dans la rue le 24 novembre dernier lors de manifestations partout dans le pays. Notre idée, c’est de permettre au pays de se secouer, de se réveiller sur la question des violences sexistes et sexuelles parce qu’on sait que dans l’espace public, au travail, à la maison, les enfants et les femmes sont sans cesse victimes de violence. Mais, la violence n’est pas une fatalité, si on s’empare du sujet. Donc, notre idée, c’est de saturer l’espace public du message de non acceptation des violences sexistes et sexuelles : lorsque la justice rend, par exemple, un verdict qui banalise ces violences, on doit réagir… Il faut que ce soit un sujet qui interpelle sans arrêt les pouvoirs publics ! Au moment où je vous parle –le 26 février 2019- on en est à 27 femmes mortes sous les coups de leurs conjoints depuis le début de l’année. Il y aurait 27 personnes mortes d’autres actes de violences, il y a bien longtemps que l’Etat aurait réagi. Pourtant, le même Etat a su faire des grandes campagnes contre l’alcoolisme, pour la prévention routière, contre le tabac, les recettes on les connaît.
Donc, en résumé, vous attendez la même chose sur la question des violences faites aux femmes et aux enfants ?
Madeline Da Silva. Oui, si on veut en finir avec ces violences, il faut qu’un plan d’urgence soit décrété … Il faut aussi former toutes les personnes qui accueillent des victimes, qu’elles arrêtent de refuser les plaintes, de minimiser les faits. Il faut aussi intensifier l’éducation à l’égalité, proposer un brevet de non-violence -le département de Seine-Saint-Denis a le souhait d’être pilote sur cette question-, doubler les subventions aux associations qui font le boulot des pouvoirs publics, mais qui ont bien du mal à vivre. Évidemment, il faut de l’argent pour ça : l’Espagne a débloqué un milliard d’euros pour traiter le problème, c’est ce qu’on demande, nous aussi. Les droits des femmes sont la « soit disant » grande cause du quinquennat Macron, mais c’est pourtant le plus petit budget de l’Etat avec à peine 30 millions… Moi, je milite beaucoup pour faire reconnaître le continuum des violences, plus on va prévenir les violences sur les enfants, déconstruire culturellement tous les systèmes de domination dès l’enfance plus on va impacter la société de manière générale.
Vous vous engagez d’autant plus facilement que la Seine-Saint-Denis est un département « pionnier » sur le combat pour l’égalité femmes-hommes ?
Madeline Da Silva. Oui, il m’arrive de faire de la formation pour les travailleurs sociaux et à chaque fois on cite la Seine-Saint-Denis en exemple aussi bien pour l’Observatoire des violences que pour le téléphone grand danger créé par ce même Observatoire. Bref, j’ai cette fierté de travailler sur cette question des violences sexistes et sexuelles dans un département qui a envie d’agir. C’est forcément porteur…
Entretien réalisé par Frédéric Haxo
Crédits photo: DR