Nicolas Crampel, un ambassadeur qui veut « tisser » sa toile…

Nicolas Crampel, un ambassadeur qui veut « tisser » sa toile…

Du côté du Pré-Saint-Gervais, cet ex-breakdancer de haut niveau développe sa « Kholab Fabrik », premier producteur de toiles en textiles recyclés et première galerie d’art online spécialisée dans l’upcycling artistique. Portrait.

Nul doute que Nicolas Crampel, Gervaisien et ambassadeur du In Seine-Saint-Denis, est un créateur dans l’âme. La preuve, il a inventé son propre métier de spécialiste de l’upcycling artistique : « Arrivé à la trentaine après une carrière de danseur, je ne trouvais pas d’activité où je me sentais épanoui, raconte le presque quarantenaire. Alors, je me suis dit que le plus simple, c’était de créer mon propre métier ! »

La première idée, simple, jaillit lors d’un déménagement : « Je ne voulais pas racheter de meubles neufs, mais j’avais envie de changement. J’ai donc pensé à confier mes meubles à des artistes, pour leur donner une nouvelle vie. Et j’ai commencé ensuite à développer ce projet… »

Patatras, le confinement de 2020 passe par là et Nicolas Crampel doit un peu plus réinterroger sa vie. Ce qu’il avait déjà largement commencé à faire après une grave blessure qui a mis fin à ses années de voyages et de concours de breakdance à travers la planète : « De toute façon, avant que mon corps ne me lâche en 2008, je m’étais toujours dit que je ne serai pas éternel dans le breakdance. Mais, la question restait la même : comment continuer à créer autrement, une fois que je danserai moins ou plus du tout ? »

 

Un fan de pop-culture

Avant de répondre complètement à cette interrogation, l’ex-danseur de la « XXe Tribu », en référence au 20e arrondissement parisien de son enfance, commence déjà par reprendre des études, à la fin des années 2000 : « Plus jeune, l’école, ce n’était pas trop mon truc, confesse-t-il. Mais, cette fois je m’y suis mis vraiment en reprenant des études de pharmacie et de psycho. Ça m’a, entre autres, permis d’être préparateur en pharmacie tout en me lançant dans l’upcycling de figurines et la peinture. Comme j’aimais et j’aime encore beaucoup la pop-culture et que je collectionnais les figurines issues de l’univers des dessins animés du Club Dorothée, j’en faisais ensuite des pièces uniques. »

Une première approche de son activité actuelle d’entrepreneur dans le domaine de l’upcycling artistique. D’un côté, il y a donc, aujourd’hui, Kholab, l’agence qui crée « des prestations alliant art et écologie pour des événements éco-responsables » et de l’autre on trouve Kholab Fabrik devenu le premier « producteur mondial de toiles en textile recyclé pour les artistes », explique son créateur.

Un concept qui veut maintenant tisser sa toile un peu plus largement dans le monde de l’art : « Traditionnellement, dans les boutiques de fournitures d’art, vous trouvez de la toile coton ou de la toile de lin, deux types de toiles mondialement répandues, expose l’ambassadeur du In grandi du côté de la Porte des Lilas. L’idée de Kholab Fabrik, c’est vraiment d’apporter un nouveau support, plus écologique, au sein de ce petit milieu. Donc, on crée des toiles à partir du recyclage de textile en jeans ou avec le cuir de sneakers. Ce qui peut changer la donne sur le plan environnemental parce qu’aujourd’hui, il y a des expositions d’art tous les jours, mais avec une matière, le coton, qui n’est pas franchement vertueuse écologiquement au moment de sa production et de sa distribution. »

Revaloriser la matière par l’art

En jouant les pionniers, Kholab propose donc de recycler une partie du textile de l’industrie de la mode pour l’injecter dans le monde de l’art. « En faisant ça, on changera aussi la perception que le grand public peut avoir de ces déchets textiles, espère Nicolas Crampel. Le fait de démontrer que ces « vieux chiffons » peuvent être aussi des opportunités de création peut inciter les gens à ne plus jeter n’importe comment leurs vêtements usagés ou démodés selon eux. »

Une philosophie qui va même jusqu’à explorer le marché des vêtements et équipements techniques : « On travaille effectivement sur la collecte de vêtements de travail pour casser la finalité de les jeter. Avec, au bout du compte, la même idée de prendre ce qui est boudé, rejeté pour le revaloriser par l’art. »

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Miser sur la force du collectif

Ce qui donne très concrètement les toiles Kholab Warning, Kholab Jeans ou Kholab Sneakers, nouveaux supports de création proposés aux artistes. Lesquelles toiles alimentent aussi la galerie en ligne d’œuvres créées à partir de chutes des mêmes matières : allez voir par exemple l’étonnant tableau constitué à partir des restes de la mythique sneaker Air Force One (1). « Comme je suis issu du milieu du breakdance, je travaille principalement avec une centaine d’artistes émergents qui viennent de l’univers de l’art urbain, prévient Nicolas Crampel. Mais, les supports en textile recyclé sont évidemment ouverts à tous les types de création, figuratif, surréaliste, naïf, peu importe… »

C’est d’ailleurs l’essence même de Kholab : « Kho, ça vient d’abord de mon prénom Nicolas et c’est un diminutif qu’on m’a donné quand j’ai commencé le break, explique l’intéressé. Et, c’est surtout aujourd’hui, tout l’esprit de ce que je veux faire en étant ambassadeur du In Seine-Saint-Denis : Kho écrit autrement c’est le « co » de collectif, l’envie de créer des collaborations, des synergies entre ambassadeurs et ambassadrices du territoire pour donner à l’art, un impact écologique concret… »

Frédéric Haxo
Photos :
Bruno Lévy 

(1) Pour en savoir plus : www.kholab-fabrik.com