Pépins Production veut prendre racine In Seine-Saint-Denis

Pépins Production veut prendre racine In Seine-Saint-Denis

A Pantin, l’association Pépins Production transforme une ancienne station-service en un îlot de nature. Un projet baptisé « René.e » mené avec un autre ambassadeur du IN, les Alchimistes, qui compostera les couches des petits citadins pour faire renaître les sols. Explications et présentation par Loubliana Petroff, l’une des fondatrices de Pépins.

Transformer le site d’une ancienne station-service tout près du Canal de l’Ourcq à Pantin en un îlot de nature, c’est le challenge relevé par l’association Pépins Production depuis septembre dernier. Un projet baptisé « René.e » présentée par Loubliana Petroff, 35 ans, l’un des co-fondatrices de l’association. Cet ingénieure-architecte de formation qui a travaillé dans le conseil en stratégie environnementale pour les acteurs de l’aménagement du territoire a vraiment mis les « mains dans la terre » en 2015 en participant à la création de Pépins Production dont l’ambition via ses pépinières urbaines est de « végétaliser la ville. » « Jusque-là, je parlais d’environnement de manière très théorique, je disais qu’il fallait mettre de la nature en ville sans jamais avoir directement jardiné », sourit la trentenaire. Aujourd’hui, elle n’essaime plus que la bonne parole, elle sème aussi. La preuve à Pantin.

-Racontez-nous le projet « René.e » à Pantin sur le site d’une ancienne station-service, ça va ressembler à quoi ?

C’est un projet d’occupation temporaire sur un terrain mis à disposition jusqu’en septembre 2023 par l’Établissement public foncier d’Ile-de-France : sur 2000 m2 l’idée est que Pépins Productions installe une pépinière de quartier, qui servira de support à des ateliers hebdomadaires gratuits d’initiation à la production de plantes de manière écologique. Il y aura un jardin paysager en pleine terre qui visera aussi à révéler les atouts de l’utilisation de végétaux sauvages indigènes et de substrats fabriqués à partir des déchets de la ville. Ce jardin, d’environ 300 m², sera planté avec des végétaux sauvages indigènes du Bassin Parisien, produits sous la marque « Végétal Local ». Il utilisera également de la terre végétale, issue de chantiers du Grand Paris, amendée avec le compost produit par les Alchimistes , et réemploiera les morceaux de béton concassés du site pour réaliser des bordures. A côté de ce jardin, des ilots potagers hors-sol permettront de s’affranchir des contraintes de la pollution et de l’occupation temporaire, pour cultiver localement des végétaux comestibles : plantes potagères, arbustes et arbres fruitiers. Installés au sein de bacs mobile, les végétaux pourront être déplacés sur un autre site.

-Et pourquoi la baptiser René.e ?

Pour la renaissance… Dans la pépinière, on va faire naître des plantes et les Alchimistes feront renaître les sols à partir de couches compostées et collectées dans les crèches alentours. Et puis, ce nom trace aussi un lien avec la naissance des enfants et l’utilisation des couches. Voila, c’est aussi simple que ça…

– Dîtes-nous en un peu plus sur votre association avec les Alchimistes, un autre ambassadeur du IN ? Avec eux vous allez enclencher une dynamique d’économie circulaire en recyclant des couches ?

Oui, l’idée est vraiment d’utiliser le compost produit localement à partir de couches pour cultiver des végétaux sur le site. Et pour cela, les Alchimistes installent donc à Pantin leur «  Couches Fertile Lab’  » qui est une expérimentation autour du compost de couches usagées.

-Quel va être le calendrier de votre installation en 2021 ?

L’installation a démarré avec une pépinière itinérante de 6 m2 dans laquelle on a commencé à faire nos premiers semis. Et puis, on a aussi commencé à mettre en place nos bacs de culture hors-sol qui seront cultivés dès le printemps. Le site va également bientôt recevoir de la terre végétale pour aménager notre jardin. Et bien sûr, on attend avec impatience de pouvoir accueillir du public quand les contraintes sanitaires seront allégées. Avec donc des ateliers gratuits et ouverts à tous les samedis et les mercredis. 

-C’est la première fois que vous quittez Paris pour rejoindre la Seine-Saint-Denis…

Oui, mais ça faisait déjà longtemps qu’on voulait rejoindre le 93… A Pantin, on devait déjà s’installer sur le toit du Centre Technique Municipal mais c’était finalement trop compliqué techniquement. Prochainement, on a d’autres projets à Clichy-Montfermeil en partenariat avec l’association Études et Chantiers au sein du Parc départemental de la Fosse-Maussoin. On est d’ailleurs soutenu pour ce projet comme pour celui de Pantin par le Plan de Rebond Solidaire et Écologique du Département de la Seine-Saint-Denis . Avec la Seine-Saint-Denis, notre histoire et notre collaboration commune se poursuivent puisque nous avons été lauréats de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis en 2019. L’envie, c’est de s’enraciner localement en travaillant en commun avec les habitants de Seine-Saint-Denis comme nous allons commencer à le faire à Pantin.

C’est-à-dire ?

Au sein de Pépins Production, on essaie aujourd’hui de construire le réseau national des pépinières de quartier en faisant des formations auprès de porteurs de projets et dans ce cadre nous avons été contactées par deux Pantinoises qui habitent juste à côté de la friche. Avec elles, nous avons l’intention de soutenir la création de l’association Pépins Production Pantin qui deviendra autonome et qui dans 3 ans, lorsque le terrain du projet René.e ne sera plus disponible, sera en capacité de monter une pépinière ailleurs. Et puis surtout, elles sont en charge de monter des partenariats pour faire vivre le projet localement, avec des écoles, des maisons de quartier, des entreprises…

Parce que l’objectif de Pépins Production, c’est aussi, au-delà des plantes, de cultiver du lien social…

Oui, lorsque l’association a été créée en 2015, nous avions vraiment la volonté d’accompagner la végétalisation en ville et de profiter de ce mouvement pour apporter le plus de bénéfices à l’environnement mais aussi aux hommes. L’idée, c’est donc, à côté de notre projet écologique, d’apporter aussi des services aux citadins. Nous faisons ainsi beaucoup de pédagogie en apprenant à des citadins -qui sont éloignés du monde végétal depuis pas mal de générations- à remettre les mains à la terre, à comprendre ce qu’est la biodiversité, à remettre aussi dans leur vie des notions de saisonnalité. Via nos activités de sensibilisation, on peut aussi les inciter à changer de comportements de consommation et puis les pépinières que nous installons en ville peuvent être un levier de réinsertion des publics les plus fragiles. C’est pour cela qu’on travaille beaucoup avec des centres d’hébergement d’urgence sur des projets de réinsertion sociale et professionnelle de personnes réfugiées ou sans-abri. Ou encore avec des hôpitaux sur la création de potagers thérapeutiques. Enfin, en février, on monte aussi notre propre Atelier Chantier d’Insertion et on va recruter six salariés CDD d’insertion d’un an. Via nos pépinières à Paris et à Pantin, l’objectif sera de leur retransmettre toutes les compétences de base pour accéder au marché de l’emploi.

Entretien réalisé par Frédéric Haxo

Crédits photo: Pépins Production