Rencontre in Seine-Saint-Denis Ghett’up X Fiminco: « dans banlieusard, il y a art ! »
Quand des jeunes du programme 93-Express de l’association Ghett’Up découvrent la Fondation Fiminco à Romainville à l’invitation du In Seine-Saint-Denis, la création et l’imagination sont au pouvoir. Récit.
« Dans une minute, il faudra arrêter de dessiner ! L’atelier sérigraphie pour imprimer vos dessins sur des tote-bags nous attend… » A ces mots prononcés par Clémentine Lefranc, chargée de l’accueil des publics au sein de la Fondation Fiminco, Hala trace le dernier coup de feutre d’un dessin qui tente de répondre à la question du brainstorming matinal : « La culture, c’est quoi ? » Marquée par la rencontre, quelques minutes plus tôt, avec l’artiste d’origine afghane Kubra Khademi, la lycéenne de terminale a représenté un visage féminin dont l’expression oscille entre réflexion et création : « J’ai imaginé un personnage qui vit et qui crée en même temps, parce que qui m’a impressionné lorsque Kubra a raconté son parcours entre l’Afghanistan et la France, c’est la manière dont sa vie personnelle et sa vie artistique se mélangent en permanence. Alors, c’est ce que j’ai essayé de représenter. »
Une envie de découverte
Avec une dizaine de collégiens, lycéens et étudiants, Hala fait partie, ce mercredi matin de février, de la dizaine de membres de 93-Express, le programme éducatif développé par l’association Ghett’Up , invités à la découverte de la Fondation Fiminco qui a ouvert ses portes à Romainville en 2020 . Au programme de la matinée qui réunit deux ambassadeurs du In Seine-Saint-Denis, une visite guidée de la Fondation et donc une rencontre avec une de ses dix-sept artistes en résidence. L’occasion d’en savoir un peu plus sur cette partie du Bas-Pays de Romainville où les ex-laboratoires pharmaceutiques Roussel-Uclaf ont été reconvertis en un vaste quartier culturel qui abritera également à partir de septembre prochain les réserves du Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) d’Ile-de-France.
Un tour d’horizon qui donne déjà à David, étudiant en première année de développement web, venu de Pierrefitte, des envies de pousser un peu plus loin la découverte : « Je ne connaissais pas ce lieu et ça me donne déjà envie d’y revenir avec des amis. C’est une découverte dans des conditions exceptionnelles, encore plus pour moi qui lit énormément sur ce sujet de l’art et des artistes. »
« Être artiste, c’est aussi oser… »
A 23 ans, David vient tout juste d’intégrer le programme 93-Express de Ghett’Up après deux années où il avait mis ses études entre parenthèses : « J’avais besoin de ce programme pour me rebooster », explique-t-il sobrement. Et pourquoi pas via la culture puisque le programme éducatif 93-Express « vise aussi à lever des barrières personnelles, à aider les jeunes des quartiers à ne pas mettre de limites à leurs ambitions et aspirations », éclaire Khadidja Sissoko, responsable des programmes éducatifs de Ghett’up. Mais, chacun participe au programme 93-Express en fonction de ses besoins. Élève de première du lycée Feyder d’Epinay-sur-Seine, Salif voit, lui, dans les différents évènements organisés par Ghett’up, « une manière de sortir de sa zone de confort. Au lieu de rester chez moi, j’enrichis mes connaissances, je prends de l’expérience, je découvre de nouveaux univers comme celui de la culture ce matin », dit-il.
Déjà bien au clair sur la suite de son parcours scolaire, Fatoumaha, également lycéenne à Epinay, veut, elle, intégrer Sciences-Po après sa terminale afin de devenir magistrate. Et, elle a déjà le sens de la formule qui claque. C’est peut-être d’ailleurs pour ça que son dessin du jour a presque la valeur d’un manifeste : « Dans banlieusard, il y art », inscrit-elle bien visiblement sur le film transparent qui servira à imprimer son tote-bag.
« Ghett’up, c’est aussi ça, sourit-elle, revaloriser l’image de la banlieue et de la Seine-Saint-Denis. Montrer qu’il y a dans ce département des talents qui ne demandent qu’à s’exprimer ! »
Exactement ce qui couve et bout dans l’esprit d’Hala au bout d’une matinée de visite de la Fondation Fiminco : « Après le lycée, j’hésite à me lancer dans des études artistiques parce que je peins, je chante, mais je me mets encore pas mal de barrières qui font que je ne sais pas encore si je vais finalement suivre la voie d’études classiques de droit, raconte la jeune femme qui habite Villetaneuse. Et puis, au lycée, on nous fait aussi ressentir qu’être artiste, c’est un peu de l’ordre du fantasme, du rêve. J’ai peur de me heurter à une certaine réalité économique. Des artistes, il y en a plein ! En même temps, l’exemple de Kubra Khademi me montre qu’il faut croire en ses rêves. Être artiste, c’est aussi oser… »
Frédéric Haxo
Crédits photo: Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis