Yasmina Benbagdad, elle connecte le hip-hop en WYVI…
À la tête de son agence artistique WYVI, cette trentenaire met son sens du collectif et du partage au service de la culture hip-hop qu’elle veut diffuser plus largement. Une mission qu’elle mène aussi depuis son canapé.
Longtemps danseuse de hip-hop, Yasmina Benbagdad n’a pas complètement quitté la scène. Elle est même toujours dans la danse, mais différemment en faisant vivre les cultures hip-hop et urbaines à la tête de WYVI, agence de communication et d’événementiel basée à La Courneuve.
« L’ambition de WYVI, c’est de diffuser la culture hip-hop et ses valeurs le plus largement possible, faire connaître les artistes qui la font vivre, partout où c’est possible. Donc, j’aide aussi bien les villes, les associations ou les entreprises à imaginer et créer leurs projets de communication et d’événementiel en montant, par exemple, pour eux des sessions de team-building autour du graffiti, des soirées ou des shows ou encore des ateliers d’initiation au breaking. »
Lors des dernières vacances de Pâques, la trentenaire titulaire d’un master en sciences politiques et relations internationales de l’Université de Lyon, était ainsi sur le pont à L’Île-Saint-Denis pour organiser des ateliers autour du breakdance et du graffiti. « Les prochains Jeux de Paris 2024 vont nous amener à être très actifs pour organiser justement des initiations ou des animations autour des nouveaux sports olympiques comme le breakdance, le BMX ou le basket 3 X 3 », raconte-t-elle. Autour des Jeux, il y a l’envie de pas mal de villes, qui vont faire vivre l’évènement, d’ouvrir ces disciplines au plus grand nombre : avec WYVI, nous sommes là pour l’organiser. »
Pour cela, Yasmina Benbagdad, grandie du côté de Clermont-Ferrand, compte également sur le réseau qu’elle s’est créée en pratiquant le hip-hop dès son plus jeune âge. Enfin, disons plutôt, pas assez jeune à son goût : « En fait, mes parents ont commencé par me mettre à 8 ou 9 ans à la danse classique à Clermont, mais je n’aimais pas franchement ça et je rêvais davantage de rejoindre les cours de hip-hop, se souvient-elle. Seulement, il fallait attendre d’avoir onze ans… »
Pas assez « déter’ » pour les battles
Mais, comme la passion commande la patience, elle va accepter d’attendre le bon tempo : « J’ai fini par rejoindre les cours de la Compagnie Force 7, des pionniers du hip-hop où un autre pionnier Smiley donnait des cours. Il était impressionnant, inspirant, j’adorais juste le regarder danser. »
Elle fera néanmoins un peu plus en rejoignant le « Smiley Crew » de son premier mentor, dansera « jusqu’à ses 20 ans partout où le Smiley Crew nous emmenait. Une époque qui m’a apportée beaucoup même si je me suis vite aperçue que le côté compétitif du hip-hop n’était pas fait pour moi. Je n’étais pas assez déter’ pour faire ma place dans les battles… »
Pas grave, elle s’épanouit aussi dans les études supérieures, avant de partir en 2012 au bout du monde, en Australie, entre Brisbane et Sydney où elle enchaîne les boulots de serveuse, tout en réfléchissant quand même -un peu- à l’avenir. WYVI est en germe : « Si je suis partie au bout du monde, c’est d’abord parce que je n’avais pas franchement envie de rentrer dans le monde du travail, avoue-t-elle franchement. En tout cas, l’idée de l’agence est née là-bas. En Australie, je me suis rendue compte que le street-art, le hip-hop, les cultures urbaines étaient beaucoup plus développées qu’en France. En rentrant, ça m’a fait cogiter. Alors, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose pour rendre plus visible toute cette culture-là chez nous. Et, on s’est d’abord lancées avec une pote, Vanessa, en créant WYVI qui est une combinaison des initiales de nos deux prénoms prononcées à l’anglaise.»
Une idée née en Australie
Revenu d’Australie en 2013, le duo prend néanmoins le temps de murir son projet, lançant vraiment la société WYVI en 2017. Une aventure que Yasmina combine d’ailleurs avec son activité de responsable implantation d’entreprise à la Maison de l’Économie Développement de Haute-Savoie. Un poste qu’elle occupe entre 2014 et 2016, avant de rejoindre la Seine-Saint-Denis en 2019 comme chargée de mission pour le Réseau Entreprendre 93.
« Là, pendant deux ans, poursuit-elle, j’étais chargée de détecter les projets d’entrepreneur à fort potentiel et ça m’a ouvert plein de nouvelles connexions avec ce département qui a un potentiel incroyable. La Seine-Saint-Denis, c’est le territoire qui bouge dans l’art, la création d’entreprises, l’innovation », expose la Pantinoise, néo-ambassadrice du In Seine-Saint-Denis. Dans le 93, il y a énormément de talents et avec WYVI, je suis là aussi bien pour les faire émerger que pour leur permettre, bien sûr, de vivre de leur art. Donc, j’agis, je me démène pour faire rentrer le hip-hop et sa culture un peu partout ! »
Entreprendre, une course de fond...
Ponctuellement, elle se pose quand même sur son canapé, le temps de faire vivre sa nouvelle chaîne YouTube « Le canap de Yass » qui présente les talents émergents de son agence.
Un moment décontracté à son image, mais aussi une respiration dans son existence d’entrepreneuse qui « n’est pas forcément simple parce qu’on doit s’y connaître un peu en tout, faire de la comptabilité, de la prospection commerciale, se faire un réseau, assurer sa communication, énumère-t-elle. Presque chaque jour, tu prends plein de décisions importantes pour ton avenir, mais tu n’es jamais à l’abri d’un coup dur, comme celui du Covid qui a mis un gros frein à l’évènementiel. En fait, entreprendre, c’est un peu comme une course de fond, mais j’aime ça ! »
Peut-être, parce que comme sur les scènes de hip-hop, il faut savoir garder le bon rythme…
Frédéric Haxo
Photos : Bruno Lévy