Yvan Loiseau, un ambassadeur In Seine-Saint-Denis qui mêle la photographie aux partages

Yvan Loiseau, un ambassadeur In Seine-Saint-Denis qui mêle la photographie aux partages

En 2018, ce photographe de 27 ans a sillonné la Seine-Saint-Denis pendant 3 mois, s’invitant chez les gens en échange d’un dîner concocté par ses soins.
Du 17 au 31 mai, il expose ses photos à Mains d’Oeuvres (Saint-Ouen).

Pourquoi avoir intitulé cette exposition Salade de racines ?
Parce que c’est ce que je vois dans la rue ou quand je parle avec les gens en Seine-Saint-Denis. J’aime bien cette métaphore de la salade, ce gros plat qu’on va partager, qui nous rassemble. Cela renvoie à l’approche sensorielle que j’ai comme artiste.

Pourquoi la Seine-Saint-Denis ?
Tout simplement parce que j’y habite et que je me disais que ce département était riche de tant d’histoires… Je suis passé par une quinzaine de villes : Saint-Denis, Aulnay, Bondy… jusqu’à Tremblay ; plutôt le nord et l’est du département. J’y ai parlé avec environ 1 500 personnes et dormi chez 60 d’entre elles. Des gens de tous les milieux sociaux, de toutes les origines, de tous les âges : j’ai par exemple rencontré une grand-mère de la Maladrerie à Aubervilliers, Halima, qui devrait m’aider à préparer un couscous pour le vernissage.

La Seine-Saint-Denis a-t-elle le sens de l’hospitalité ?
Globalement, je dirais oui. Mais là encore il y a de tout : certains étaient convaincus d’emblée à l’idée d’accueillir un inconnu pour la nuit. D’autres flippaient franchement…Très souvent, c’est le fait de faire la cuisine en commun qui permettait de briser la glace.

Tes photos montrent des visages tantôt graves, tantôt lumineux. Comme la Seine-Saint-Denis ?
Oui, mais comme la vie surtout ! Certaines personnes m’ont confié des choses très intimes. Certaines vivaient une période sombre, d’autres un
moment de plénitude. Mais c’est impossible de tenir un discours généralisant sur la Seine-Saint-Denis.

Il y a une chose qu’on peut dire, c’est que, chez la plupart des gens, même ceux qui sont en diffi culté, il y a une forme de résistance, un refus de se résigner face aux coups durs.

Wael Sghaier, le collectif Toile blanche : vous êtes plusieurs à vouloir casser les clichés sur la Seine-Saint-Denis par l’art… Est-ce que ça porte ses fruits ?
C’est bien trop tôt pour le dire. En tout cas, ça démontre une nécessité : il y a une forte injustice à vouloir ainsi toujours ramener les quartiers populaires à la violence.
Bien sûr, elle peut survenir mais dans la vie quotidienne, ce n’est pas ça qui se passe. A mon échelle, j’essaie de stimuler des désirs de métissage, de mélange. On en a besoin parce que ça n’a pas été assez fait.

Ton expo va prendre l’allure d’une maison ?
Oui, avec des vieux meubles donnés par certains habitants, j’ai reconstitué une maison à l’intérieur de l’expo. Et pour la soirée de vernissage, ceux qui le souhaitent pourront y dormir. Il y a aussi une scène ouverte où se produiront différents habitants. Moi, ce que je veux, c’est mélanger l’art et la vie. Il n’y a pas d’un côté les
artistes et de l’autre les habitants. Chacun a quelque chose à dire, une part de lui à raconter.

Pour pouvoir éditer un recueil de ses photos, Yvan Loiseau a lancé une cagnotte en ligne .

Propos recueillis par Christophe Lehousse.