À Saint-Denis, Plaine Terre sème les graines de l’agriculture urbaine

À Saint-Denis, Plaine Terre sème les graines de l’agriculture urbaine

Non loin du Stade de France, cette ferme urbaine s’est installée dans un nouveau parc public. Son objectif majeur ? Impulser une communauté de bénévoles pour créer un modèle de collectif agricole qui pourrait bien être « repiqué » et répliqué ailleurs en Ile-de-France. Voici comment mettre à votre tour votre petite graine…  

Au pied du fort de l’Est dans le tout nouveau parc public du Glacis à Saint-Denis, c’est un petit bout de terre qui renoue avec un pan de l’histoire agricole de la Seine-Saint-Denis : du milieu du 19e siècle jusqu’à l’après Seconde Guerre mondiale s’étendait en effet de la Cité des Rois à Bobigny, la Plaine des Vertus, plus vaste plaine légumière de l’Hexagone. Et puis, l’urbanisation est passée par là, faisant primer le règne du béton…  

Ce qui n’empêche pas, depuis 2023, à quelques encablures du Stade de France et du quartier prioritaire du Franc-Moisin, la ferme urbaine La Plaine Terre -qui porte très bien son nom- de chercher à inverser la tendance. A son humble échelle.  

Comment ? En implantant dans le Parc du Glacis et grâce à une convention avec l’agglomération Plaine Commune, 4000 mètres carré de culture sous serres et en plein champ. Essentiellement des graines de légumes, d’aromatiques et de fleurs. L’idée sous-jacente ? Quelques petites graines en ensemencent d’autres ! 

Ramener les urbains à la terre...

Posée entre de nouveaux immeubles d’habitation et le fort de l’Est, enceinte militaire construite entre 1841 et 1843 pour protéger Paris et toujours utilisée par l’Armée, la ferme urbaine Plaine Terre portée par la Société d’Agriculture Urbaine Généreuse et Engagée (La SAUGE en abrégé) est ainsi fidèle à l’un des objectifs développés depuis la création de l’association en 2015 : « Faire jardiner les urbains au moins deux heures par semaine » en s’appuyant sur les trois espaces agricoles qu’elle développe à Bobigny (La Prairie du Canal), Aubervilliers (Terre Terre) ou encore à Nantes.  

Une manière concrète de sensibiliser aussi le plus grand nombre aux préceptes d’une alimentation durable et d’imaginer des solutions collectives pour accélérer la transition agroécologique. « Ce qu’on ambitionne ici, prolonge Manon Hamelin, ingénieure agronome et coordinatrice de la Ferme dionysienne, c’est de faire vivre un modèle de collectif agricole inspiré des supermarchés coopératifs où chacun s’implique bénévolement sur un créneau horaire déterminé. Fin mai, on aura, par exemple, un gros besoin de main d’œuvre pour faire du repiquage. Et puis, on a un chantier de construction d’un séchoir à graines. Les bénévoles de notre communauté ont aussi vocation à participer à des tâches d’animation. En fait, on va grandir, petit à petit, en impliquant de plus en plus de bénévoles. »  

De quoi assumer, plus largement, et finalement l’une des trois vocations de Plaine Terre : « D’abord produire des graines certifiées en agriculture biologique, poursuit Manon Hamelin. Ensuite distribuer des paniers solidaires aux personnes du quartier en situation de précarité en coopération avec l’association Entr’aide qui partage le site avec nous. Enfin, devenir à terme un lieu de formation pour les jardiniers amateurs comme pour les personnes cherchant à se reconvertir dans le secteur de la production agricole. » 

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Cultiver à l’épreuve du changement climatique

Reste maintenant à faire monter encore un peu plus en graine le projet en fidélisant une communauté d’une centaine de bénévoles qui signent, pour cela, une charte d’engagement s’étendant sur une période de 3 à 12 mois. A la clé entre autres, des tarifs avantageux sur les productions locales, également commercialisées en ligne et au sein des fermes de La Sauge. 

Une forme de bénévolat bien cadrée qui plait à Shakia, une voisine du quartier désireuse de s’impliquer dans les travaux agricoles de Plaine Terre : « Chez moi, je n’ai, malheureusement pas la place de jardiner, explique-t-elle. Alors, je le fais avec l’association dans un espace où ça me fait plaisir d’aider et de partager un projet avec d’autres personnes. » 

Un apport de forces vives plus qu’utile pour appuyer le travail de Sarra Ghedamsi, la responsable agricole de Plaine Terre qui, au fil de ses semences, « sonde les rendements agricoles du site, les meilleures variétés à planter. J’étudie aussi comment certaines variétés s’adaptent aux contraintes environnementales locales et aux conditions climatiques qui se transforment. A côté de ça, je peux aussi donner du sens à ce que je fais en expliquant concrètement ce que j’entreprends ici, pourquoi et comment je le fais, aussi bien aux voisins du site qu’aux habitants qui viennent se promener dans le parc. Bref, agir ici à Plaine Terre, c’est beaucoup mieux que d’être isolée dans un labo de recherche !», sourit la trentenaire.  

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Réensemencer l'Ile-de-France

Car, sans aucun doute, Plaine Terre a également vocation à devenir un démonstrateur de l’utilité d’implanter davantage de fermes urbaines de ce genre dans les interstices de la ville. Une manière de créer des boucles alimentaires locales et donc d’aller vers le mieux-manger. Manon Hamelin toujours : « La production de graine effectuée ici a un vrai intérêt agronomique, environnemental et territorial. Parce qu’en développant sur ce site de Saint-Denis des compétences autour de la production de semences adaptées aux conditions climatiques franciliennes, Plaine Terre pourra contribuer, au bout du compte, à réensemencer l’Ile-de-France et donc à accroître sa résilience… » 

Et, avis à tous les Séquano-Dionysiens qui ont la main verte ou qui souhaitent se remettre les pieds sur et dans la terre, ils et elles sont les bienvenus.  

Jusqu’à l’été la petite équipe de Plaine Terre organise de nombreux créneaux de découverte -lire aussi ci-dessous- d’un projet qui ne demande qu’à semer à tous vents…  

Frédéric Haxo 

Crédits photos : Bruno Levy

Rendez-vous du 24 au 26 mai pour les 48 heures de l’agriculture urbaine

À l’occasion de l’évènement national des 48 heures de l’agriculture urbaine, les fermes, jardins potagers et vergers de Seine-Saint-Denis ouvrent leurs portes en grand, les 24, 25 et 26 mai prochains. L’occasion de visiter les nombreuses initiatives qui poussent sur notre territoire, mais aussi d’acheter ou de troquer des plants et graines. Ou encore de s’initier à différentes techniques de culture grâce à des ateliers de semis, repiquage ou compost…  

Du côté de Saint-Denis, Plaine Terre proposera entre autres des visites découvertes de sa ferme, des ateliers de fabrication de bissap ou un chantier participatif autour de semis (1). Une bonne occasion aussi d’en savoir plus sur son programme de bénévolat.  

(1) Pour tout savoir sur les prochains rendez-vous de Plaine Terre, c’est ici ! 

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