Cristobal Diaz, « quality street »
Réalisateur reconnu de clips sur la scène rap, le quarantenaire né aux Lilas n’a plus jamais quitté un milieu où il a commencé en mode « vandale. » Ce printemps, il est aussi aux manettes du projet artistique qui va métamorphoser l’ancien garage départemental du Parc de la Bergère. Itinéraire en 4 actes et un peu plus d’étapes.
Acte 1, Cristobal Diaz, le graffeur et taggueur « vandale. »
Aujourd’hui quarantenaire, Cristobal Diaz, dit Cristo, est adolescent quand il s’immisce dans l’univers de ce qui n’est pas encore le street-art. Un premier chemin de vie où il commence à tagguer.
« Pour être honnête, j’étais plus dans le tag et la dégradation. Du vandalisme pour faire court. Ce que je faisais n’était pas franchement artistique… Mais, j’ai quand même gardé le contact avec ce milieu puisque pas mal de mes potes de cette époque, de la fin des années 90 et du début des années 2000, ont continué à peindre et à s’exprimer sur les murs. Ils sont devenus des artistes reconnus.»
Acte 2, révélation et réalisation.
Depuis 2010, il forme le duo d’auteurs et réalisateurs Kub & Cristo, signature sous laquelle il réalise plus d’une centaine de clips en collaborant avec les plus grands noms du rap français de Médine à Sofiane, en passant par Vald, Heuss l’enfoiré ou Kery James. Une nouvelle carrière derrière la caméra qui débute en 2005, avec un premier court métrage intitulé ‘’Effusion de sang’’.
« A l’époque, j’avais envie de passer à autre chose lorsqu’un ami me propose de réaliser un court métrage. Donc, j’écris un premier scénario, je le tourne, même si je n’y connaissais pas grand-chose… Mais, ça a été la révélation ! Pour la « petite » histoire, le film posait la question de savoir jusqu’où un graffeur est prêt à aller pour réaliser une
œuvre.»
Sans spoiler la fin, on vous dira juste qu’elle est plutôt sanguine.
Acte 3, directeur artistique et commissaire d’exposition.
Aux côtés de l’artiste Marko93 mais aussi d’Elise Herszkowicz, fondatrice de l’association Art Azoï, Cristo assure la direction artistique du projet du Garage-B inauguré le 13 juin prochain -lire ci-dessous à Bobigny. « Mon rôle, explique-t-il, est la conception de l’intervention artistique, la manière dont les artistes vont « s’accorder » entre eux, comment et où ils vont intervenir sur le site, mener aussi avec eux le choix des codes couleur et des médiums utilisés. Et « cerise sur le gâteau », un de mes films sera projeté dans l’un des espaces du Garage-B. Franchement un très beau projet ! J’incite un maximum de personnes à venir visiter cet endroit méconnu du parc de la Bergère, un lieu industriel auquel on redonne un coup de boost, une nouvelle peau à travers une explosion de couleurs et de formes. Ce sera aussi l’occasion de découvrir des sculptures inédites comme celles de Malam ou de Teurk & Anton.»
Et, également, une occasion supplémentaire pour Cristo de continuer à inventorier le graffiti et le street-art, via sa Graff Box. Un dispositif, inventé en 2015, grâce auquel il «capte le geste créatif des graffeurs à travers une boîte, en forme de grand pupitre doté d’une surface en plexiglas transparent sur laquelle est accolée une feuille de calque. Un système complété par une caméra qui capture en temps réel le geste de l’artiste et l’œuvre qui est en train de se créer. »
Acte 4, un projet de long-métrage made In Seine-Saint-Denis.
« Avec l’artiste et dessinateur Berthet One, on a écrit un film de long métrage intitulé L’évasion, dévoile Cristo. Le film s’inspire de la vie de Berthet One, son parcours entre la Cité des 4000 à La Courneuve, la prison pour braquage et la rédemption à travers l’art.»
Ce film est l’histoire positive d’un gamin du 93 : un beau parcours de vie avec une belle résilience, qui peut faire beaucoup de bien dans le contexte actuel un peu morose.
Épilogue, mais surtout pas la fin : la Seine-Saint-Denis, du 93 au numéro 1…
« Aujourd’hui, je continue de vivre en Seine-Saint-Denis, à Noisy-le-Sec, par choix. Je suis né aux Lilas, j’ai grandi entre Paris, Les Lilas, Saint-Denis et Saint-Ouen et je ne me vois pas me fixer ailleurs en région parisienne. Pour moi, la Seine-Saint-Denis, ce sont les racines, celles d’un territoire qui a inspiré le hip-hop, le rap et le graffiti. Le 93 est, au fil des années, devenu une grosse référence en termes de culture underground et urbaine. Malgré cela, on peut regretter que même si on glorifie les artistes et les sportifs originaires de Seine-Saint-Denis, ce département reste encore et toujours, pour certains, un territoire pointé du doigt. Il y a toujours un « mais » ! Toujours des gens qui considèrent que la banlieue, cette banlieue-là en tout cas, reste un endroit de « seconde zone.» La discrimination est toujours un peu en arrière-plan au moment où, pourtant, le graffiti est présent un partout : dans la pub, dans les musées et même reconnu par les institutions. Bref, le graff est devenu un art à part entière, une culture même et les graffeurs ne sont plus considérés comme des sauvageons ou des petits rigolos, on a vraiment conscience aujourd’hui que ce sont de vrais artistes avec du talent et un savoir-faire. Un peu comme le rap qui est passé de l’état de sous-culture, au rang de musique numéro 1, le graffiti est devenu le nouvel art que tout le monde veut sur ses murs… »
Frédéric Haxo
Crédits Photos : Bruno Levy
Au Garage B, moteur pour le street-art !
C’est dans l’ancien garage départemental de la Seine-Saint-Denis situé au bord de l’Ourcq dans le Parc de la Bergère à Bobigny que l’association Art Azoï, va installer une vitrine du street–art sur le territoire. Lauréat d’un appel à projets lancé par le Département en 2023, le projet du Garage B, rendu à la nudité de ses murs ou presque, s’inscrit dans une série d’événements et d’actions célébrant les 50 ans du hip-hop. De Marko93 à Vinie, en passant par Sifat ou encore le sculpteur et plasticien Malam, les 11 artistes réuni.e.s par Art Azoï sont toutes et tous des acteurs et actrices reconnu.e.s de l’art urbain qui ont pris possession des près de 600 m2 d’un lieu en transition vers un nouvel avenir. Après un vernissage, le 31 mai, des œuvres créées in situ, le Garage B sera ouvert à la visite tout l’été avant de devenir d’ici 2025, un tiers-lieu artistique.