« Venez-vous mettre à table In Seine-Saint-Denis pour raconter l’histoire d’une France joyeuse et multiculturelle ! »

Le 18 septembre 2022, Yvan Loiseau glissait la Seine-Saint-Denis dans les pages du Guinness World Records, le « livre de tous les records mondiaux, sur Terre et dans l’Espace » en organisant entre Saint-Ouen et Saint-Denis la « plus grande table nappée du monde » mesurée précisément à 2 560,02 mètres.

Plus de 10 000 personnes s’étaient réunies autour de cette « installation-invitation adressée à tous les habitants de la terre, pour célébrer la rencontre par la cuisine. » Une invitation que le drôle de Loiseau réitère désormais pour le dimanche 2 juillet à l’occasion de la première édition de Multitude, la biennale interculturelle de la Seine-Saint-Denis.

Pour le IN, il raconte ses plans pour réussir à dresser cette incroyable table…

-Si vous deviez nous adresser un carton d’invitation pour nous mettre à table le 2 juillet, vous diriez quoi ?

Que vous allez bien manger, faire des rencontres, vous amuser…  D’abord parce que cette édition 2023 de la « Plus grande table » est sous le haut patronage de Guillaume Gomez, ex-chef de l’Elysée et représentant du Président de la République pour la Gastronomie et l’Alimentation.  Ensuite, la cheffe du restaurant parisien « Pouliche », Amandine Chaignot, sera notre marraine. Et derrière eux, il y aura une quarantaine de restaurants de Seine-Saint-Denis et de Paris qui viendront nous proposer une grande offre de restauration gratuite comme l’année dernière, entre la mairie de Saint-Ouen et Saint-Denis. Mais, cette fois, il y aura encore plus d’animations avec des spectacles, des fanfares, des concerts… On accueillera par exemple l’Académie Fratellini avec le spectacle « À portée de mains… » monté par le danseur et chorégraphe Thierry Thieû Niang. A découvrir aussi une performance de la Compagnie DCA de Philippe Découflé qui réinvente des disciplines sportives à sa manière avec ses ateliers « Spores. » L’envie, c’est de se retrouver autour d’un esprit de fête avec, par exemple, des fanfares et des batucadas qui partiront de la gare de Saint-Denis pour ramener les gens en déambulation vers la table. Dans le même esprit, 500 randonneurs vont affluer de toute la Seine-Saint-Denis avec Seine-Saint-Denis Tourisme pour, eux aussi, rejoindre l’évènement. Ah oui, j’oubliais, comme les Jeux de 2024 approchent, ce sera aussi une tablée très sportive…

-Dites-nous en quand même en un peu plus ?

Alors, si vous devez choisir, venez déjà essayer le « goodminton » : c’est l’inverse du badminton, avec le principe de faire un compliment à son adversaire à chaque fois qu’on tape dans le volant. C’est un sport qu’on a inventé avec le club de badminton de Saint-Ouen et ma compagnie artistique Perdus dans la Baignoire. Il y aura aussi un concours de jongles autour de la table avec les footballeurs du Red Star. Ça devrait aussi être très rigolo…

-Si le repas est offert, vous lancez néanmoins une cagnotte en ligne en faisant appel aux sponsors et donateurs de dernière minute…

Oui, parce que pour organiser un évènement d’une telle ampleur, on a toujours besoin de fonds pour soulager notre budget : par exemple, pour la location d’une partie des chaises, pour payer les techniciens, la sécurité…

En tout cas, l’évènement suscite toujours autant l’engouement des restaurateurs parisiens et de Seine-Saint-Denis prêts à nous partager leur cuisine. Et, plus de 100 partenaires associatifs viendront également proposer des ateliers, avec beaucoup de choses pour les enfants. Parmi les nouveautés enfin, on aura, cette année, les villes de Pierrefitte, Épinay et l’Ile-Saint-Denis qui viendront se mettre autour de la table avec des associations ou des centres sociaux. C’est un peu gargantuesque présenté comme ça, mais ça va être chouette.

-Qui dit « gargantuesque » suppose aussi une logistique en conséquence ?

Cette « Plus grande table du monde », ce sont effectivement des mois de travail en amont, accompagnés par les services des villes de Saint-Denis et Saint-Ouen et l’agglomération de Plaine Commune. Avant de s’asseoir à table, il y a tous les arrêtés préfectoraux à obtenir pour bloquer les routes le jour J, une quinzaine de techniciens et plus de 200 bénévoles à mobiliser pour monter les tables à 6h du matin, les démonter à 18h… Mais, avoir réussi en 2022 le challenge du Guinness Book a déjà bien simplifié les choses : une majorité d’associations est repartie avec nous pour cette nouvelle édition, alors, forcément, notre projet est plus simple à expliquer !

-Une édition 2023 qui ne vise pas, cette année, son propre record ?

Oui… Plus qu’un record chiffré à inscrire une nouvelle fois au Guinness Book, on vise avant tout un record d’humanité. Et puis, même si la logistique était plus compliquée cette année pour aller plus loin qu’en 2022, battre notre propre record n’avait plus de tellement sens parce qu’on l’a déjà fait. Ce qui nous intéresse de toute façon, c’est de réunir des gens, et tant mieux s’ils sont le plus nombreux possible, en montrant qu’on peut être fiers de la banlieue, de toutes les origines culturelles qui la composent et vont se retrouver autour d’une table, avec leurs plats et leurs traditions à partager.

-Cette plus grande table, c’est en fait afficher en grand une fierté In Seine-Saint-Denis ? 

Exactement, parce que le record, en fait, il est surtout humain et construit par les multiples rencontres suscitées par cet évènement qui en plus s’intègre, cette année, dans Multitude, la première biennale multiculturelle de la Seine-Saint-Denis. Pour moi, ce sera toujours extraordinaire de voir comment la cuisine fédère des gens qui viennent de différentes origines sociales et culturelles, de différents quartiers. Après, le nombre de personnes à table sera peut-être une surprise : si un maximum de personnes vient avec sa chaise sous le bras, on fera toujours une petite place à celles et ceux qui viennent nous rejoindre. L’important, c’est vraiment de se rencontrer.

Justement, provoquer des rencontres, c’était l’idée initiale du projet ?

Tout remonte en fait à la crise du COVID, quand j’ai vu que les gens en 2020 faisaient des bonds lorsqu’ils se croisaient dans la rue, que l’autre devenait quelqu’un de dangereux, presque une menace, je me suis dit : « Ce n’est pas possible : il faut vraiment faire quelque chose pour rapprocher les gens. »    Alors, artistiquement, j’ai pensé à l’image de faire tomber des immeubles et de manger dessus en les transformant en tables. L’idée, derrière, c’était de redéfinir complètement la ville est ses usages pour ramener toute cette convivialité qui avait, en partie, disparu pendant la crise sanitaire. Finalement, en sortant de la crise sanitaire, on a commencé ce projet pour arriver à cet évènement du 18 septembre 2022 où on a réuni deux villes (Saint-Denis et Saint-Ouen) autour d’une même table pour établir ce beau record d’humanité.

Pour finir, question très pratique : comment fait-on pour se mettre à table ?

On se retrouve tous entre Saint-Ouen et Saint-Denis, le long du canal, à partir de 11h30, le 2 juillet (1). Et ceux qui peuvent viennent avec leurs chaises et surtout un plat à partager. Parce que si les chefs vont faire goûter leurs plats, on sera vraiment autour de la rencontre et l’envie de proposer à des gens, qu’on peut ne pas connaître, un plat de sa région, de son pays. Ou même une spécialité inventée ! Enfin et surtout, si l’histoire d’une France joyeuse et multiculturelle vous plait, venez la raconter avec nous en vous mettant à table…

(1) Gratuit, participation libre moyennant votre meilleur plat, dessert, goûter ou boisson. Les infos et le plan de table de l’évènement sont à retrouver ici !

Entretien réalisé par Frédéric Haxo

Crédit : La Plus Grande Table Du Monde