Au Salon International de l’Agriculture, les bières made In Seine-Saint-Denis, brasseuses d’innovation locale

Au Salon International de l’Agriculture, les bières made In Seine-Saint-Denis, brasseuses d’innovation locale

En Seine-Saint-Denis, il n’y a pas encore de champ d’orge mais beaucoup d’idées et de sens de l’innovation pour créer des bières de terroir. Exemples avec Mir et la Brasserie Croix de Chavaux qui ont fait monter la pression du côté du grand rendez-vous agricole de la Porte de Versailles.

Attention collector ! Au Salon International de l’Agriculture , les sous-bocks des brasseurs made In Seine-Saint-Denis ont été une des pépites convoitées, toute cette semaine, par les collectionneurs de ces petits ronds de carton à glisser sous un demi-pression. « Le Salon, c’est une mine pour nous avec le Concours Général Agricole qui attribue aussi des prix aux brasseurs de toute la France, raconte Pierre, un Normand collectionneur patenté. Et, je découvre avec plaisir que la Seine-Saint-Denis s’est mise à produire de la bière -très bonne- et donc des sous-bocks qui vont rejoindre ma collection ! En tout cas, pour moi qui connais le 93 pour y avoir vécu pendant une dizaine d’années, ces bières donnent une très belle image de ce qu’on peut faire sur un territoire aussi urbain. »

Du houblon plutôt que du gazon…

Car, la bière made In Seine-Saint-Denis, ce n’est pas que de l’affichage sur des sous-bocks. La preuve avec la bière urbaine MIR , made in Romainville, créé en 2017 par Jérôme Crépieux. « La bière, expose ce dernier, c’est d’abord de l’eau, du malt d’orge et du houblon. Et l’eau, on peut la trouver via le réseau d’approvisionnement local, l’orge c’est plus difficile en milieu urbain parce que ce sont des cultures qui demandent beaucoup de surface. Donc, c’est pour ça qu’on s’approvisionne principalement auprès de producteurs de la Beauce. Enfin, il y a le houblon et là, c’est tout à fait possible de le cultiver localement… »

Une expérience que Mir a d’ailleurs menée en s’appuyant sur des habitants de Seine-Saint-Denis, prêts à faire pousser des pieds de houblon sur leur terrasse ou dans leur jardin : « Le houblon, poursuit Jérôme Crépieux, est une plante très rustique qui se plait partout. Et, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir la main verte pour l’entretenir. L’été, bien exposée et bien arrosée, elle peut même prendre facilement 20 à 30 centimètres en une journée ! »

Tant et si bien que Mir a déjà brassé quelques cuvées avec du houblon cultivé ultra-localement autour de son fief de Romainville :

« C’est une manière de créer une vraie bière de terroir, explique le maître-brasseur.

Et puis, ça crée un vrai effet de convivialité. Pour les citadins, qui sont tous d’ex-provinciaux, c’est enthousiasmant de se retrouver autour d’une bière en partie issue de son jardin ou de sa terrasse. »

Une voie pour l’agriculture urbaine

Impossible n’est donc pas séquano-dionysien sur le terrain de la production brassicole. A condition de trouver de la place pour le houblon, cette liane qui peut atteindre une dizaine de mètres et pousse entre mars et août. « En Ile-de-France, il n’existe pour le moment qu’une seule houblonnière -La Houf- dans les Yvelines, mais on peut tout imaginer en Seine-Saint-Denis, pense Fred Poulain qui brasse la « Croix de Chavaux  » du côté de Montreuil. C’est vraiment une question de superficie et de terrain où il faut pouvoir installer des poteaux d’une dizaine de mètres de haut où s’enroule le houblon. En tout cas, ça peut être une voie pour l’agriculture urbaine. »

En attendant, ce Savoyard installé à Montreuil depuis une dizaine d’années, va continuer de glisser dans ses bières des notes de miel récoltées dans ses ruches montreuilloises :

« Nous, sourit-il, notre terroir, ce sont les abeilles qui le construisent avec leur production… »


Attention à l’effet « boule de drêche » !

A côté des brasseurs In Seine-Saint-Denis, les activités de recyclage des drêches -les résidus issus du brassage de la bière transformés en farine écoresponsable- sont aussi en pointe dans le 93. Ainsi, les « Drêcheurs Urbains« , une activité lancée en 2018 du côté de la Cité Fertile de Pantin a rejoint Romainville en 2020 pour s’établir sur le même site que la brasserie Mir de Jérôme Crépieux. Quoi de mieux en effet que de disposer de cuves de brassage à portée de recyclage lorsqu’on sait que la production de 1 000 litres de bière permet de récolter 300 kg de drèches. Une activité à découvrir, dimanche 6 mars au Salon de l’Agriculture au cours d’un atelier « Moulinons les drêches » où vous pourrez en savoir plus sur les secrets de fabrication de la Pintine, une farine à base de drèches et du Pintinois, un biscuit à la drêche.

Autre découverte issue des bulles de la bière, les nouilles de « Ramen tes dre?ches », la petite entreprise de Sabrina Michée, ambassadrice du In Seine-Saint-Denis également installée à Romainville. Cette ex-spécialiste de la communication distribue aujourd’hui ses ramens – des nouilles japonaises complétées avec un bouillon- dans près de 400 points de vente hexagonaux en recyclant chaque année plus de 20 tonnes de drèches issues des brasseries du 93. « Ce qui prouve que l’économie circulaire peut être à la base d’une alimentation de qualité en Seine-Saint-Denis », commente l’entrepreneuse. Laquelle compte désormais investir le terrain sportif des Jeux de 2024 : « Nos produits ont de vraies qualités nutritionnelles pour les sportifs, dit-elle. Avec les Jeux en 2024 qui seront largement en Seine-Saint-Denis, cela peut être une vraie occasion de le démontrer. » Par exemple en chaussant vos baskets après un plat de nouilles : « Ramen » tes drèches sera au rendez-vous du village de La Grande Course du Grand Paris Express le 13 mars prochain au Stade de France.

 

Fred Haxo

Crédits photo: Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis