Avec le Made In Seine-Saint-Denis, c’est tout un territoire qui fait terroir…

Avec le Made In Seine-Saint-Denis, c’est tout un territoire qui fait terroir…

Si la Bourgogne a ses grands crus, la Sarthe ses rillettes, la Picardie ses ficelles, la Seine-Saint-Denis est une épicerie gourmande où on trouve bières, chocolat, légumes bio, confitures, biscuits… Des produits inventés, cultivés ou transformés localement. Une manière de faire terroir grâce à ses ambassadeurs et ambassadrices du bon goût et d’une consommation durable.

Dîtes-35 !

Lors du dernier Salon International de l’Agriculture, il fallait compter au moins jusqu’à 35 pour prendre le pouls vigoureux d’une production made In Seine-Saint-Denis favorisant l’agriculture urbaine et une alimentation durable : 35 comme le nombre d’ambassadeurs et d’ambassadrices réunis autour de leurs produits installés sur les étagères du stand de la Seine-Saint-Denis. Tout un territoire qui fait terroir en somme. « Et ce terroir, c’est d’abord le très beau collectif que forment déjà les différentes marques et projets réunis pendant ce Salon, sourit Nadia Aftis, créatrice de Tartine et moi, des pâtes à tartiner bio concoctées du côté d’Epinay-sur-Seine.  Tous, à notre façon, nous diffusons l’image d’une Seine-Saint-Denis différente d’un bout à l’autre de la France. D’ailleurs, c’est quelque chose qu’il faut sûrement pousser un peu plus pour ouvrir non seulement les habitants de Seine-Saint-Denis à d’autres goûts que ceux diffusés par la grande distribution, mais aussi un maximum de Français et de Françaises. En fait, nous sommes déjà prêts à lancer un grand salon du made in 93 ! »

Une pédagogie du mieux-manger

Qui fleurerait bon le terroir de Seine-Saint-Denis. Comme l’explique Benoit Cicilien, fondateur des Drêcheurs urbains mais aussi ingénieur agronome  : « Un terroir, sa définition première, c’est d’être un lieu de production avec des savoir-faire qui permettent une production de qualité. Eh bien, je crois qu’une large part de ce qui se fait en Seine-Saint-Denis, en matière de production alimentaire, recoupe cette définition. En tout cas, on en a la preuve lors de ce Salon de l’Agriculture 2022… » 

A commencer par la farine que sa petite entreprise produit du côté de Romainville à partir des restes humides de malt collectés auprès de micro-brasseries comme Mir, autre ambassadeur du In.

«  Et surtout, en Seine-Saint-Denis, complète le spécialiste du recyclage de la drêche, on fait aussi terroir parce que beaucoup d’entre nous s’activent à faire changer les habitudes alimentaires autour du mieux-manger et d’une alimentation écoresponsable.

Ça demande beaucoup de pédagogie, beaucoup d’investissement mais c’est motivant ! » Toute la semaine du SIA, la petite équipe des Drêcheurs a donc activé son moulin portatif pour montrer et expliquer comment à partir de déchets alimentaires on peut créer une farine «  riche en fibres et protéines. »

A Romainville, le houblon est une fête…

La démonstration par l’exemple, c’est également le credo de Jérôme Crépieux, le fondateur de Mir à Romainville. Une micro-brasserie qui cultive son terroir pas uniquement en brassant de l’orge et du houblon. « Un terroir c’est aussi un endroit qui vit, qu’on anime au gré d’évènements comme la Fête du Houblon qu’on va organiser en septembre prochain au moment où les houblons sont en fleur, en partenariat avec la Cité Maraîchère de Romainville, raconte-t-il. Ce sera l’occasion de faire un brassin public et de réunir les habitants autour d’une bière de terroir puisqu’une partie du houblon nécessaire à la production aura été cultivée dans des jardins ou sur des balcons situés dans le voisinage de notre brasserie de Romainville. »

C’est ce même terroir à visage humain que défendent de leur côté les Confitures Re-Belle qui vont bientôt quitter Aubervilliers pour Stains. « Chez Re-Belle, nous faisons bien attention à expliquer clairement que les fruits de nos confitures, issus des invendus de la grande distribution, ne sont pas tous récupérés en Seine-Saint-Denis, explique Elodie Thème, chargé de développement de la marque. En revanche, ce qu’on revendique pleinement, c’est tout le travail d’insertion que nous menons au profit d’habitants de Seine-Saint-Denis. D’ailleurs, lorsque Re-Belle a été créé et implanté dans le département, c’était notamment pour répondre à la problématique d’un fort taux de chômage, en particulier chez les femmes.

Donc, notre terroir à nous, celui qu’on cultive au fil des années, c’est celui de l’insertion, celui d’une approche très humaine de la production. »

Des saveurs de tous les horizons

Une histoire d’hommes et de femmes unies autour d’une alimentation durable et responsable que porte aussi Hawa Koulibali, ambassadrice de saveurs oubliées avec sa plateforme digitale « Akaadi ». Laquelle ambitionne de mettre dans l’assiette de tous les Français « les meilleurs produits d’épicerie fine du terroir africain.

Parce que le terroir In Seine-Saint-Denis, ce sont également des saveurs de tous les horizons, de tous les continents à l’image des habitants du 93 »,

expose-t-elle en même temps qu’elle nous fait goûter un de ses délices gourmands à la poudre de baobab, savamment sélectionné en Côte d’Ivoire, Et puis, c’est un terroir capable de nouer des coopérations permettant de faire travailler des gens à la fois en en Afrique mais aussi en Seine-Saint-Denis. »

Un terreau de croissance fertile comme le terroir de Seine-Saint-Denis, observe Clémence Dumuzois, en charge pour l’association Clinamen des vignes et du houblon qui poussent sur le campus de l’Université de Villetaneuse : « Comme j’ai une formation d’œnologue, la première chose que j’ai faite en investissant les lieux, c’est de m’intéresser au passé géologique du sol. Et, une fois passée la quinzaine de centimètres de terre de remblai, on découvre un terrain très fertile qui correspond en fait à la Plaine maraîchère des Vertus », une vaste étendue de culture légumière, considérée comme la plus grande d’Europe au XVIIIe et XIXe siècle.

Bref, c’est un terroir exceptionnel qui est sous nos pieds et qu’il faut savoir réactiver. A Villetaneuse, nous produisons, par exemple, un fumier qui est de l’or en barres du point de vue de ses qualités fertilisantes. »

Une richesse agricole et humaine

Voilà pourquoi Clinamen, créé en 2012 et qui gère aussi la bergerie du Parc départemental Georges-Valbon, continue aujourd’hui de pousser derrière son objectif initial de « dynamiser les territoires urbains par la promotion de pratiques paysannes. » 

Avec un écho qui a largement franchi en une dizaine d’années les frontières du terroir : « Lorsque j’explique que je produits du vinaigre à partir d’une vigne installée en Seine-Saint-Denis, j’ai toujours des réactions assez enthousiastes, sourit Clémence Dumuzois. En fait, on surprend les gens en leur montrant que dans un département aussi urbain, souvent identifié pour de mauvaises raisons, on peut aussi cultiver des vignes et des légumes de qualité ou élever des moutons. Et finalement, c’est tout un ensemble de projets, très riches humainement, qui font revivre cette ancienne terre maraîchère… »

 Frédéric Haxo

Crédits photo: Bruno Lévy