ESS made in Seine-Saint-Denis: manger durablement et localement, c’est possible

ESS made in Seine-Saint-Denis: manger durablement et localement, c’est possible

Ce jeudi 5 novembre 2020, Est’Ploration est sur la ligne de départ de sa 5e édition. Re-confinement oblige, ce nouvel opus sera entièrement en ligne. Ce qui n’empêche pas un menu dense. Avec dès 14 heures, une après-midi de mini-conférences dédiés à la question de l’alimentation et de l’agriculture en ville. Manger mieux, plus sain, soutenir les producteurs locaux ou en devenir-un, c’est possible. Mais comment faire ?

Est’Ploration associé au In Seine-Saint-Denis vous donne une nouvelle preuve par 4 exemples de projets qui marchent et font bouger les lignes d’une consommation plus durable. Nouveau focus sur des Est’plorateurs et Est’ploratrices du quotidien.

« Altrimenti, c’est la démocratisation des saveurs »

Mieux maîtriser son alimentation et donc contribuer au changement sociétal et à la construction d’un futur durable, c’est la mission que s’est fixée depuis 2016 l’association Altrimenti installée au Pré-Saint-Gervais. Explications avec Elodie Bensoussan, sa responsable développement et animation.

La recette de l’économie sociale et solidaire par Altrimenti, ça donne quoi ?

L’économie sociale et solidaire c’est une économie vertueuse et durable, avec comme ingrédients de base des acteurs qui créent de la valeur sociale, sociétale, environnementale autant qu’économique. C’est pour cela qu’un évènement comme Est’Ploration est important à deux titres : premièrement parce que c’est une occasion de donner au grand public des recettes anti-gaspi et des clés pour consommer autrement, pour agir aussi dans notre vie quotidienne en faveur d’une alimentation plus saine, plus durable et qui limite les déchets. Ensuite, l’économie sociale et solidaire c’est une dynamique de réseau, donc il est essentiel d’ avancer ensemble pour une économie qui va dans le bon sens sur un territoire en commun.

-Concrètement, quels projets sont menés depuis la création d’Altrimenti en 2016 ?

Depuis sa création Altrimenti lutte contre le gaspillage alimentaire et s’engage pour l’accès à une alimentation durable pour tous. Ce qui veut dire, en pratique, qu’à partir de produits frais déclassés ou en parties délaissées de fruits et légumes comme les fanes, les tiges, les épluchures, Altrimenti organise des actions de sensibilisation citoyenne visant à la démocratisation des saveurs, à la (re)construction d’une culture alimentaire saine et responsable.

Et depuis deux ans, nous nous attachons à développer le projet d’une conserverie de produits artisanaux fabriqués à partir de légumes bio déclassés. Une manière aussi de créer de l’emploi local en Seine-Saint-Denis pour des personnes en situation de précarité. 

Vous avez d’ailleurs déjà lancé votre solution Made In Seine-Saint-Denis avec la gamme de produits Altripasti ?

Altripasti est effectivement le premier atelier artisanal de pesto et pickles fabriqués à partir de légumes déclassés ou délaissés bio. Implanté en Seine-Saint-Denis, cette conserverie emploi des personnes en situation de précarité. Dans cette gamme de produits, les pestos, délice des sens et passion profonde, sont d’ailleurs un clin d’œil à la fondatrice du projet Samanta Vergati, originaire de la région de Naples. A côté de cela, nous organisons des ateliers de cuisine anti-gaspi, des préparations collectives de plats originaux suivie d’une dégustation conviviale ou bien des balades botaniques suivies d’ateliers de cuisine sauvage avec la découverte des propriétés nutritionnelles et gustatives des plantes sauvages comestibles en s’appuyant sur l’expertise d’un botaniste.


« La Montreuilloise, une bière qui respecte les équilibres écologiques »

Fondateur de la Brasserie La Montreuilloise installée sur les Hauts de Montreuil depuis 2014, Jérôme Martinez explique pourquoi il est un adhérent convaincu de Nature & Progrès, un label d’agriculture biologique et comment il s’astreint à un cahier des charges favorisant une économie durable.

-Question bête pour commencer, est-ce que l’ESS peut se nicher dans un fût de bière ?

Oui parce que s’inscrire dans l’économie sociale et solidaire pour la Brasserie La Montreuilloise induit des obligations dans la production de nos bières : faire appel à des fournisseurs locaux, des matières premières bio et sourcées, privilégier aussi des circuits courts de distribution. Donc davantage que d’ESS, je préfère parler d’économie durable, respectant les équilibres écologiques, le lien à la Terre et privilégiant le progrès humain et la solidarité. C’est d’ailleurs pour cette raison que La Montreuilloise s’est engagée depuis sa création en 2014 au sein de la Fédération Nature et Progrès, un organisme précurseur de l’agriculture biologique en France

-Concrètement, quel projet développez-vous en Seine-Saint-Denis ?
Depuis 7 ans, La Montreuilloise promeut la bière artisanale bio dans l’Est Parisien. Ce qui veut dire que nous travaillons en direct avec de nombreux points de vente, épiceries, coopératives, magasins bio implantés en Seine-Saint-Denis. Et, nous sommes aujourd’hui en train de faire évoluer notre projet avec comme ambition de développer un lieu qui mêle à la fois la production de nos bières, la dégustation et la restauration tout en pouvant accueillir d’autres artisans locaux.

– En conclusion, quel est l’ingrédient majeur qui font que vos bières sont Made In Seine-Saint-Denis ?
Tout simplement parce que nos bières rassemblent et expriment ce qui fait la force de la Seine-Saint-Denis : sa solidarité et son ouverture au monde. En participant à
Est’Ploration , on partage aussi nos projets, nos idées et on noue des liens pour avancer.


« Agir ensemble pour le bien être des habitants »

Au sein du Parc du Sausset, le « Potager du Grand Paname » développe le projet d’une ferme maraîchère biologique. La preuve qu’il est possible de produire bio et bon dans le 93 et de renouer avec la vocation agricole du territoire. Présentation par Brice Paccard, l’un des cofondateurs d’un projet co-construit avec le Département de la Seine-Saint-Denis.

Votre définition de l’économie sociale et solidaire en quelques mots ?

Pour le Potager du Grand Paname, l’économie sociale et solidaire, c’est avant tout l’émergence d’un nouveau modèle résilient qui respecte l’homme et son environnement. Un système dans lequel différents acteurs de la vie économique et sociale d’un territoire s’unissent et agissent ensemble pour le bien-être des habitants. 

Quels projets développez-vous en Seine-Saint-Denis ?

Lauréat de l’appel à projets du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis pour le développement d’activités agricoles en milieu urbain au sein parc du Sausset situé sur les communes d’Aulnay et Villepinte, nous avons le projet d’y créer une ferme maraîchère biologique productive et un espace de maraîchage sur sol vivant selon les principes de la permaculture.  Notre objectif est de proposer aux riverains une gamme de produits locaux, frais et savoureux, tout en promouvant des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Au final, notre modèle se veut à la fois durable et innovant et s’inscrit dans l’ambition d’une agriculture urbaine dite « multifonctionnelle ». En pratique, outre l’activité de production, il a vocation à développer des activités sociales et environnementales locales.

 Le Made In Seine-Saint-Denis pour vous, c’est donc aussi une philosophie d’action ?

Oui, c’est pour cela qu’intégrer le réseau du In Seine-Saint-Denis en tant qu’ambassadeur nous a paru comme une évidence. Nous partageons les mêmes valeurs et poursuivons le même objectif : le rayonnement de notre territoire. Aujourd’hui, le IN est un acteur incontournable connecté et dynamique qui facilite les échanges, les rencontres et valorise les activités locales.   


« Devenir des acteurs de notre consommation ! »

Ouvrir un  supermarché coopératif  baptisé « La Caravane » à Montreuil pour « manger sain » et devenir des consomm’acteurs, c’est l’objectif poursuivi par l’association « les amis du supermarché » fondée en 2017. Présentation par Colette Benoit, une co-présidente engagée.

Petit exercice « imposé » pour commencer, donnez-nous votre définition de l’ESS ?

C’est une réponse nécessaire aux limites et aux risques que nous fait courir le développement économique actuel. Voilà pourquoi l’ESS, cherche à concilier activité économique, utilité sociale et transition écologique. C’est donc une économie qui poursuit des objectifs sociétaux, à travers des innovations sociales et un développement local. Comme pour l’économie classique, elle se définit comme l’ensemble des activités de production, d’échange, d’épargne et de consommation, mais en offrant de nouvelles possibilités d’entreprendre avec à la clé une performance économique durable, un impact environnemental, le développement de l’emploi et du lien social au service d’un rayonnement territorial.   

Un credo qui se développe pour vous via un modèle de consommation ?

Notre projet de supermarché coopératif et participatif s’est effectivement donné l’objectif d’informer et responsabiliser les gens sur leurs pratiques de consommation, en favorisant les circuits courts, en faisant se rencontrer producteurs et consommateurs. Au final, nous voulons distribuer nos produits à des prix justes  et créer de l’emploi et du lien social dans nos quartiers. A Montreuil, ce supermarché sera une alternative à la grande distribution, qui doit permettre de nous approprier, à notre échelle, les circuits de distribution de biens de consommation courante. Comme l’indique notre charte « nous nous définissons comme des citoyens à part entière, nous voulons exercer notre droit de regard et d’action sur nos vies et les choix qui en conditionnent l’existence. Nous choisissons de ne pas être de simples consommateurs mais d’être acteurs. Notre projet doit être le moyen permettant à chacun de choisir et de décider ».

Votre solution Made In Seine-Saint-Denis, ce sera donc « La caravane », le premier supermarché coopératif et participatif en Seine-Saint-Denis qui ouvrira à l’horizon 20221-2022 à Montreuil…

Oui et nous avons choisi de nous appuyer sur le modèle de la Park Slope Food Coop située aux États-Unis. Un modèle bien rodé puisque cette coopérative fonctionne depuis 1973 et prospère aujourd’hui avec plus de 17 000 membres. À Paris, la coopérative La Louve a déjà répliqué ce modèle avec succès, et son créateur Tom Boothe nous apporte également son soutien. Notre supermarché coopératif et participatif sera ainsi un supermarché où chaque consommateur est à la fois client, patron et bénévole en étant caissier, magasinier, comptable… Concrètement, la coopérative La Caravane émargera à 20% sur les produits vendus pour assurer les frais de gestion et pérenniser le financement des emplois que nécessite une telle structure avec une gestion au quotidien confiée aux salariés autonomes de la coopérative. Et enfin, les produits en rayon seront issus de l’agriculture biologique, du commerce équitable, et achetés localement dans la mesure du possible. La coopérative sera aussi un lieu de rencontre et d’éducation de manière à nourrir ainsi le tissu social du quartier, et permettre l’information et l’apprentissage liés à l’alimentation, aux enjeux de consommation et de l’environnement…

 

Propos recueillis par Fred Haxo