L’AMAP, solution IN de l’après-COVID-19 ?

L’AMAP, solution IN de l’après-COVID-19 ?

Répertoriées sur l’appli madeinseinesaintdenis.fr, les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne permettent de privilégier des circuits courts de production et une alimentation bio, de saison et de qualité. Et pour elles, confinement et déconfinement ont rimé avec un frémissement de la demande des consommateurs. Illustrations.

Combiner sécurité alimentaire, solidarité mais aussi qualité des produits alors que la crise du coronavirus a démontré les limites d’un commerce mondialisé, c’est un objectif qui peut se traduire en quatre lettres : AMAP ou associations pour le maintien d’une agriculture paysanne. En Seine-Saint-Denis, elles sont quasiment une quarantaine répertoriées sur l’application madeiseinesaintdenis.fr et ont connu ces deux derniers mois « un regain d’intérêt à l’échelle de l’Ile-de-France », explique Mathilde Szalecki, chargée de l’animation du Réseau des AMAP en Ile-de-France et membre de l’AMAP « le Cri du radis » à Montreuil, ville où elle a observé « beaucoup de prises de contact et de demandes de renseignements, des choses que les gens font normalement en septembre. Ce sont des dizaines de demandes qui nous sont parvenues, mais à l’échelle très locale des AMAP, c’est déjà significatif. » Un mouvement que constatent à des niveaux et avec des réalités différentes, les cinq AMAP de Seine-Saint-Denis sondées par le IN. Tour d’horizon et solutions pour l’avenir…

·  « Venir à l’AMAP, c’est aussi une respiration »

Lisa Valverde, directrice de l’AMAP de l’association 360 degrés Sud à Clichy-sous-bois, ambassadrice du IN

«  Pendant le confinement, on a continué notre activité en nous organisant pour respecter les gestes barrières et les conditions de sécurité. Et, on s’est vite rendus compte que pour nos Amapiens, venir chez nous s’approvisionner était comme une respiration au milieu de cette période particulière où les sorties étaient limitées. Évidemment, le fait que notre association soit située dans un parc, un endroit bucolique aide beaucoup, mais l’AMAP, c’est aussi un lien de proximité en milieu urbain. En tout cas, au sortir de la crise du COVID, on sent que les gens sont en demande de participation, d’implication et l’AMAP peut être un futur lieu qui comptera dans nos villes. La fait d’avoir diffusé sur nos réseaux sociaux et sur le site de la ville, un petit film qui raconte ce qu’est une AMAP nous a d’ailleurs amené pas mal de demandes de renseignements, soit directement ou alors via la CCAS de Clichy avec laquelle nous travaillons. C’est aussi l’occasion pour les habitants de Seine-Saint-Denis de découvrir un peu plus ce qui se passe à deux pas de chez eux, comme lorsqu’on a organisé un troc aux plantes avec le concours du lycée horticole de Vaujours qui a pu distribuer utilement des plantes qui allaient mourir parce que l’établissement fermait ses portes.

Maintenant, on attend la suite et on espère que ce mouvement pour une autre économie, un autre mode de production va continuer à durer parce qu’on a encore de la place pour accueillir de nouveaux adhérents. En tout cas, comptez-sur nous pour continuer de promouvoir les circuits ultra-courts de production en Seine-Saint-Denis : on travaille déjà, par exemple, avec la bière La Fringante de Rosny, un boulanger bio installé à la limite entre Clichy et Livry ou encore un apiculteur d’Aulnay. »

 

·  « Une manière d’ouvrir le débat sur l’utilité des AMAP… »

Hélène Agogué, membre de l’AMAP’Home à Livry-Gargan

« La crise du COVID, c’est vrai a déclenché un regain d’appels ou de demandes de renseignements via notre page Facebook mais pas plus finalement que lorsqu’il y a un reportage sur le thème des AMAP diffusé sur une grande chaîne de télé. La grosse différence, peut-être en Seine-Saint-Denis, c’est que les habitants du 93 qui sont en télétravail à Paris ou ailleurs ont commencé à se renseigner sur des solutions plus locales : plutôt que ramener leur panier depuis une AMAP parisienne, ils se mettent en quête d’une solution au plus près de chez eux.

Après, je crois qu’il y a beaucoup de personnes qui sont intéressés par la solution de l’AMAP en Seine-Saint-Denis mais sont encore arrêtées par le principe de l’abonnement annuel. Pourtant, c’est ce qui fonde le principe même d’une AMAP et la viabilité d’une production pour un agriculteur qui s’engage dans ce système. Donc, je crois que le monde d’après n’est pas encore tout à fait en route, même si c’est peut-être l’occasion de faire de la pédagogie autour du principe des AMAP, de leur utilité sociale et économique. Bref, il faut persévérer et continuer à faire en sorte que nos agriculteurs ne se sentent pas tout seuls face à la grande distribution. Donc, on continuera de l’expliquer même si la période qui s’ouvre n’est pas forcément porteuse parce que nos distributions de paniers perdent en convivialité à cause du COVID et des conditions de sécurité qu’il impose. »

 

·  « Un mouvement significatif d’inscriptions »

Pierre Pucel, président du Panier Balbynien à Bobigny

« Si nous ne sommes pas tout à fait une AMAP du point de vue de nos statuts, l’état d’esprit du Panier Balbynien est le même : notre objectif, c’est également de créer du lien entre des « consomm’acteurs » et des producteurs engagés dans l’agriculture biologique et au bout du compte favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement avec des produits de qualité à un prix acceptable pour le consommateur et rémunérateur pour le producteur. Mais pour en arriver là, il y a encore du boulot… En tout cas, j’observe que la crise du coronavirus nous a amené plus d’une dizaine de nouveaux inscrits au Panier : ça peut paraître peu mais c’est très significatif dans une période où il n’y a d’habitude pas d’inscription. Les gens s’inscrivent plutôt à la rentrée et c’est normal. En tout cas, nous sommes tout à fait prêts à accueillir plus de monde et j’encourage les gens à le faire parce que pendant la période estivale qui est plus creuse, nous proposerons un panier à 15 euros, avec l’équivalent en produits de 22 à 23 euros. Et notre maraîcher situé dans le Val d’Oise est prêt à fournir et à repartir de l’avant après 3 semaines d’arrêt imposées pendant le confinement. Bref, c’est le moment de devenir des consomm’acteurs responsables ! »

 

·  « Les AMAP en Seine-Saint-Denis, une dynamique déjà en marche »

Marina Seder, membre du collectif d’animation de La Courgette solidaire aux Lilas

« Pendant et après le confinement, beaucoup de gens nous ont contacté via notre site web pour en savoir plus sur notre fonctionnement et nous avons fait quelques inscriptions pour atteindre aujourd’hui 250 Amapiens. C’est positif et ça s’inscrit de toute façon dans la dynamique positive de notre AMAP et plus généralement des AMAP en Seine-Saint-Denis et en ville. Doucement et sûrement, nous grandissons, peut-être aussi parce que les consommateurs à l’occasion de cette crise vont se rendre compte des difficultés pour produire et vivre des agriculteurs locaux. Je crois que cette crise va engendrer plus de solidarité et l’AMAP est une très bonne expression de ce que peut être une solidarité active. Après, il y a toujours l’argument de l’engagement à l’année qui fait peur, mais avec un peu de pédagogie, on peut lever cet obstacle. Il y a aussi des solutions maisons : à La Courgette Solidaire, nous avons, par exemple, mis en place les intermittents du panier, une adhésion libre qui vous permet de vous présenter à la fin des distributions afin de récupérer des paniers oubliés par un.e adhérent.e en échange d’un don à l’association de la même valeur que le panier.

C’est un bon moyen de découvrir ce qu’est une AMAP et la force de son réseau local et de proximité qui nous a permis pendant le confinement de nous organiser pour continuer d’assurer la distribution de nos paniers solidaires principalement en direction des Restos du Cœur et du Secours Populaire. »

 

·  « Un vrai engouement pour les circuits-courts de production »

Christelle Touzart-Matrot, directrice de l’association le Marché sur l’eau, active sur les rives de l’Ourcq à Pantin, Sevran et Bobigny

« Après une grosse frayeur initiale pour savoir si on allait pouvoir continuer au début du confinement, notre activité a été renforcée et on a du enregistrer au fil des mois de mars et d’avril près d’une centaine d’adhésions supplémentaires pour nos livraisons de panier. Heureusement d’ailleurs parce que les achats de masques, de gants ou de gel hydro-alcoolique représentent un coût important pour une structure associative comme la nôtre. Seule, finalement, les livraisons de paniers aux entreprises de la zone de Bobigny ont été stoppées, mais en dehors de cela nous avons fait des distributions chaque semaine, et dans les règles sanitaires, à Pantin, Sevran et Paris. Et donc, oui, il y a eu un vrai engouement pour le circuit court, peut-être parce que les gens ont eu dans un premier temps peur de s’agglutiner dans les grands supermarchés et ont préféré notre mode de distribution bien réglé avec des commandes établies. Ce qui leur a permis ensuite de se rendre compte de l’avantage de consommer des salades fraîchement récoltées à 80 kilomètres de Paris, des choses du terroir avec du goût. Et puis, les habitants de Seine-Saint-Denis ont vécu nos livraisons comme une bouffée d’oxygène en plein confinement : un moyen de voir que la vie continuait et d’apprécier aussi la force du mouvement associatif, le lien social qu’il crée. Maintenant, j’espère que le mouvement vers les AMAP ou les structures associatives comme le Marché sur l’eau vont perdurer pour continuer à porter aussi les efforts des agriculteurs d’Ile-de-France qui ont besoin de soutien et de débouchés. »

 

Frédéric Haxo