Magali Fricaudet, tout un monde mis en musique

Magali Fricaudet, tout un monde mis en musique

Membre du prochain jury du concours du Go In Seine-Saint-Denis dédié au hip-hop, la directrice de Canal 93 à Bobigny reboucle son parcours commencé en 2009 avec la création du Festival « Rares Talents » à Montreuil. Avant de bifurquer vers la solidarité internationale. Un univers où il faut aussi trouver des accords… 

Habituée à mettre en musique des projets de solidarité internationale tout au long de sa carrière professionnelle, Magali Fricaudet a glissé une nouvelle tonalité dans son parcours en prenant en 2022 la direction de Canal 93, un équipement de la Ville de Bobigny dédié aux musiques actuelleset aux cultures urbaines. Mais, c’était aussi comme un retour aux sources pour la jurée du prochain concours d’émergence -lire notre encadré – du Go In Seine-Saint-Denis : « J’ai également un parcours associatif dans l’organisation de festivals puisque j’ai cofondé en 2009, le Festival Rares Talents avec le bassiste montreuillois Hilaire Penda, retrace-t-elle. L’idée, de départ, c’était d’accompagner l’émergence des talents venus des diasporas essentiellement africaines implantées en Seine-Saint-Denis, aux côtés de musiciens plus reconnus et de permettre aussi les passerelles entre différents styles musicaux. Avec l’ambition que les musiciens puissent aussi diriger ce festival, plutôt que d’en confier les rênes uniquement à des « pros » de la culture. » 


Une philosophie d’organisation qui rejoint cette fois le parcours professionnel et la fibre militante de cette quarantenaire grandie dans les Hauts-de-Seine. « Après des études de droit et d’espagnol, puis de sciences politiques, j’ai commencé par travailler pour la Ville de Nanterre en 2011 comme chargée de projets locaux de dimension internationale, résume-t-elle. Concrètement, j’appuyais différents projets d’associations qui portaient un projet international ou de défense d’une cause comme la paix au Proche-Orient. » 

En passant par Barcelone...

Une façon toute aussi concrète de prolonger son engagement personnel : « Les années 90 ont forgé ce que je suis, dit-elle. C’est l’époque où je me suis engagée contre l’extrême-droite qui commençait à monter de plus en plus en France. Dans ma ville des Hauts-de-Seine, on avait, par exemple, réussi à empêcher la tenue d’une réunion d’un leader de l’extrême-droite, Bruno Mégret », se souvient-elle.  
Une mobilisation aussi intense que son déclencheur initial. « Mon premier ressenti des injustices, raconte encore la directrice de Canal 93, c’est lorsque ma meilleure amie d’origine mauricienne a vécu le racisme. Je me suis sentie en empathie avec elle et progressivement j’en suis venue à m’intéresser à ce qui provoquait des inégalités dans le monde, à regarder de plus près les rouages de la mondialisation capitaliste. C’est comme ça qu’a commencé mon engagement altermondialiste… » 
Qu’elle pousse jusqu’à assumer aujourd’hui la co-présidente de l’Association Internationale des Techniciens, experts et Chercheurs (AITEC), une « association altermondialiste présente dans les grandes conférences internationales qui dénonce les accords de libre-échange et travaille aussi sur les questions du mal-logement », synthétise sa dirigeante bénévole.   
Une dimension internationale qui nous fait rejoindre un des autres canaux du parcours de Magali Fricaudet, du côté de Barcelone.  
De l’autre côté des Pyrénées, elle a travaillé, à partir de 2014, « pendant 3 ans au sein d’un réseau mondial des collectivités locales sur des questions d’inclusion sociale et de démocratie participative. En partageant des actions avec quelques grandes villes du monde comme Bogota (Colombie) ou Mexico, je me suis rendu compte à quel point la culture était un outil essentiel d’émancipation et de participation citoyenne. » 

Les droits culturels au centre du projet de Canal 93

Une expérience qu’elle prolonge ensuite en Seine-Saint-Denis en prenant en charge, l’espace d’une année, le développement de la démocratie participative de la Ville d’Aubervilliers : « On travaillait sur l’espace public, la propreté, les projets urbains, le stationnement… Mais, je me suis assez vite aperçue qu’il manquait une dimension essentielle à ce que je faisais : comment rêver ensemble, comment générer des choses qui nous sortent, en quelque sorte, la tête du trottoir ! »
Ce qu’elle va faire après la crise sanitaire de 2020 alors qu’elle dirige « Via le monde », le centre de ressources du Département de la Seine-Saint-Denis dédié aux questions de citoyenneté internationale, de mondialisation et de développement. « Le confinement m’a fait réaliser mon envie de me tourner davantage vers la culture, et de répondre à mes rêves de créer des ferments de cohésion sociale à partir de la musique et de la danse. Des espaces d’expression et de dialogue qui sont absolument magnifiques. Voilà comment j’ai candidaté pour prendre la direction de Canal 93. » 
Deux ans plus tard, Magali Fricaudet s’attache à faire du lieu de diffusion et de création créé à Bobigny en 2002 « un établissement public qui met la question des droits culturels au centre de son projet. Avec aussi au cœur de son identité artistique la question urbaine, sachant que l’urbain c’est bien sur le hip-hop mais pas seulement. C’est aussi l’espace du dépassement de soi, de la rencontre avec l’autre. Quand 60 % de la planète habite au sein des villes, Canal 93 doit être l’espace où on peut se rencontrer et se recomposer. D’ailleurs, le rap est aujourd’hui marqué par cette réinvention, cette recomposition puisqu’ il va de plus en plus vers l’afrobeat ou d’autres sonorités. Et c’est une manière de nous rappeler que le rap, le hip-hop, représentent la culture de la rencontre et de l’hybridation. » 

  

Deux éléments essentiels du parcours de Magali Fricaudet qu’elle veut aussi mettre au service du prochain concours d’émergence du Go In : « Comme je dirige un lieu de musiques actuelles qui est très fortement lié à l’histoire du hip-hop en Seine-Saint-Denis, il m’a semblé important de pouvoir faire partie du jury pour ensuite poursuivre l’accompagnement proposé aux lauréats. Aussi bien du point de vue de l’accueil à Canal 93 que de l’aide apportée à la programmation et à la diffusion. Et puis, surtout, l’idée de départ du concours du « Go In » rejoint parfaitement Canal 93 et sa volonté d’être le plus ouvert possible à tous les talents de la Seine-Saint-Denis. »

D’ouvrir des mondes et de les mettre en musique, en somme…

Go In Seine-Denis : à vos candidatures !

Le IN Seine-Saint-Denis et l’association Culture de banlieue ont lancé, le 15 mai dernier, le concours « Go In Seine-Saint-Denis » sur le thème du hip-hop afin de célébrer les 40 ans de cet art en France. Un concours en mode freestyle puisque les candidats sont invités à soumettre leurs propositions artistiques sous n’importe quelle forme (vidéo, écrit, croquis…). L’objectif : révéler les talents émergents de la culture hip-hop In Seine-Saint-Denis et ensuite les accompagner. Alors à vous de jouer puisque les candidatures sont ouvertes jusqu’au 30 juin 2024 et pour en savoir plus, ça se passe par ici!