Seine-Saint-Denis territoire d’agriculture urbaine: Île était une fois LIL’Ô…
A l’Ile-Saint-Denis, le projet LIL’O porté par des ambassadeurs du IN les réduit en compost pour régénérer 3,6 hectares d’un site infertile. Une expérimentation innovante, premier projet ambassadeur du IN Seine-Saint-Denis, qui sera inaugurée au printemps mais qui nous a ouvert ses portes en avant-première.
Le soleil est pâle en ce mardi de novembre sur l’Ile-Saint-Denis et quelques gilets orange brillent à l’horizon de la Seine qui coule en contre-bas. Armés de piquets, les hommes d’Halage, l’entreprise d’insertion dirigée par Stéphane Berdoulet, posent les premiers jalons de LIL’O, projet qui se veut un « démonstrateur de la reconquête de la biodiversité et de l’agriculture urbaine sur une friche industrielle. » En plus compliqué, l’acronyme s’est d’abord décomposé en » laboratoire ilien de la matière organique » pour faire référence à notre démarche scientifique, mais aujourd’hui on retient surtout la référence à l’île », sourit le directeur d’Halage. Là sur ce morceau de l’Ile-Saint-Denis de 3,6 hectares coincé à l’est entre le Parc Départemental et à l’ouest par une partie dédiée à la tranquillité des espèces préservées, Stéphane Berdoulet, l’un des initiateurs du projet a déjà la cartographie des lieux en tête.
Redonner vie à des sols infertiles
D’un geste du bras, il désigne différents points du site qui a longtemps servi de base logistique à une entreprise de travaux publics : « Ici, il y aura une serre de 2000 m2 pour produire des fleurs coupées localement et ne pas les faire venir à coup d’avion du Kenya ou d’Asie, là-bas ce sera une base de vie dédié aux personnes qui suivront une formation aux métiers de l’agriculture. Et puis lorsqu’on aura redonné vie au sol compacté par des décennies de roulage des camions, on pourra lancer une zone productive de fleurs et de légumes. Et puis, là derrière sous ce hangar, il y aura le composteur des Alchimistes. » Fabriqué en Angleterre par le spécialiste TidyPlanet, la « bête » de 7 mètres de longueur sur 3 mètres de large devrait traiter à terme deux tonnes de bio-déchets -soit l’équivalent de ce que produisent 10 000 habitants- récoltés quotidiennement auprès des restaurateurs, grandes surfaces ou auprès des habitants des alentours. Déjà testé sur le site des Grands Voisins à Paris, ce type de composteur électromécanique a l’avantage d’accepter toutes sortes de déchets alimentaires. « Ensuite, une fois traités, ces déchets donneront du compost qui va venir alimenter les sols inertes de LIL’Ô pour recréer des zones fertiles, explique Fabien-Kenzo Sato, l’un des co-fondateurs des Alchimistes. »
La Seine-Saint-Denis, démonstrateur de solutions
En appliquant la maxime de Lavoisier, le site « peut ainsi récupérer de l’ordre d’un centimètre de sol fertile chaque année », estime Stéphane Berdoulet. Il devrait falloir entre 3 et 10 ans pour qu’on puisse recomposer une couche de sol assez fertile, sans bénéficier d’aucun apport extérieur. » A ce rythme-là sera ainsi restauré tout un écosystème, tout comme seront aussi créés des emplois « d’abord localement et ensuite plus largement parce que LIL’Ô, anticipe Fabien-Kenzo Sato, doit être le prototype de notre solution de compostage à une échelle commerciale. Si on montre que ça marche ici à l’Ile-Saint-Denis, on a vocation à essaimer notre solution à l’échelle du Grand Paris et de l’hexagone. Et ça démontrera une nouvelle fois que la Seine-Saint-Denis est le territoire de tous les possibles ». C’est d’ailleurs ce que Stéphane Troussel a eu à cœur lorsqu’il a pris la décision de céder ce terrain départemental à l’association Halage :
« Le projet Lil’O porte la marque de ce que nous voulons défendre : un territoire à la fois solidaire et innovant au service de la transition écologique. L’objectif est de faire vivre ce lieu aujourd’hui délaissé et d’y associer les habitants ».
LIL’O sera en effet un lieu d’accueil des habitants du département où ils pourront se balader, réfléchir à leurs modes de consommation mais aussi s’emparer du projet à travers une concertation citoyenne qui va s’engager. « C’est d’ailleurs pour eux qu’on garde des espaces en blanc sur la cartographie des lieux », glisse Stéphane Berdoulet. Ancien logisticien de Médecins du Monde habitué à barouder de la Somalie au Pakistan, ce dernier rêve en effet que LIL’O devienne un « lieu de rencontre et d’échanges des cultures qui révèle un peu des 88 nationalités qui vivent sur l’Ile-Saint-Denis. L’été dernier par exemple, poursuit-il, on a mené avec l’association Halage un projet de culture des concombres d’Europe de l’Est avec des habitants venus de ces pays et on a pu révéler ainsi plein d’histoires individuelles, partager des choses autour d’un simple légume. » Et faire ainsi vivre une culture commune…
Frédéric Haxo