Seine-Saint-Denis territoire d’agriculture urbaine: Saute-moutons à Georges-Valbon

Seine-Saint-Denis territoire d’agriculture urbaine: Saute-moutons à Georges-Valbon

Depuis 2012, l’association ambassadrice du In Seine-Saint-Denis, Clinamen promeut l’agriculture urbaine pour créer du lien social et changer les modes de consommation. Les moutons de Clinamen sont même devenus de véritable stars In SSD… Il se lancent d’ailleurs, avec Les bergers Urbains du 6 au 17 juillet pour la transhumance du Grand Paris. Organisée par Enlarge Your Paris et soutenue par le In, elle prendra le départ de Seine-Saint-Denis !

Ne vous étonnez pas si vous entendez des bêlements en plein milieu du parc de La Courneuve. Les 45 moutons de l’association Clinamen y ont en effet élu domicile, dans une bergerie flambant neuve. Basée jusque-là à l’université Paris XIII-Villetaneuse, cette association qui se propose de promouvoir l’agriculture urbaine sous tous ses formes, trouve ainsi un nouveau port d’attache, né d’une convention avec le Département.
A deux pas de la bretelle d’autoroute et des premières cités de La Courneuve, l’endroit, champêtre et accueillant, invite à se poser et à ralentir. Entre deux caquètements de poules …, les fondateurs Julie Lou Dubreuilh et Guillaume Leterrier nous font faire le tour du propriétaire.

Combat contre la malbouffe

« Notre raison d’être, c’est de faire réfléchir les gens à leur mode d’alimentation et de défendre la place de la nature en ville », expliquent ces anciens salariés cheffe de chantier et Devdlopeur territoral ESS, devenus paysans avec Les Bergers Urbains. « On espère ainsi que les activités que l’on développe dans le cadre de Clinamen serviront à faire reculer l’emprise de certains projets urbains sur les espaces verts. L’idée, c’est de rajouter à l’argument de la biodiversité celui d’une histoire de pratiques agricoles et de production alimentaire, tout en laissant la place a des bâtiment de production agricole en ville comme les bergerie a 300 brebis alaitantes, suffisement grandes pour permettre aux paysans urbains de vivre dignement de leur production. »

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Et pour mener leur combat, ces Bergers urbains – le nom de la coopérative issue de Clinamen, fondée deux ans plus tard – s’appuient notamment sur les transhumance en ville. Tous les mois, ils emmènent ainsi paître leurs moutons dans différents lieux d’habitations, et notamment dans des quartiers populaires. L’OPH d’Aubervilliers, Plaine Commune Habitat ou encore Logirep a Sevran, ou les bailleurs entreprise tel que Icade, la Compagnie Fasbourg ou encore Cogédim  : plusieurs bailleurs sociaux ont ainsi noué des partenariats avec ces ambassadeurs originaux de la nature en ville. « Le mouton est l’instrument parfait, car il fonctionne comme un révélateur, souligne Julie-Lou Dubreuilh et Guillaume Leterrier : mettez-le sur un espace vert que personne ne voyait auparavant et les gens comprendront d’un seul coup l’intérêt à soigner et à défendre cet espace ».
« A chaque fois, il se passe quelque chose quand les gens voient débouler le troupeau », renchérit Marion, une des 80 adhérentes de l’association, qui a déjà participé à plusieurs sorties de Clinamen. Souvent, ce qui domine, c’est l’étonnement, mais parfois, ça suscite aussi des souvenirs chez des anciens qui ont eux-mêmes connu ces formes d’élevage. Mais pratiquement toujours, les gens croient qu’on arrive de très loin. On se fait alors un plaisir de leur dire qu’on arrive du parc juste à côté de chez eux. Et du coup, ça renforce les liens entre les habitants et le parc », explique cette jeune habitante du Raincy, assistante vétérinaire de profession.

Mais attention, n’allez pas croire que Clinamen se contente d’opérations de sensibilisation gentillettes. Son objectif est bel et bien de produire ses propres récoltes, en poussant ses membres à mettre la main à la pâte. En 2016, l’association a ainsi produit 800 kg de viande et quelque 3 tonnes de laine. Une production que les adhérents ont pu se partager au pro-rata de leur implication dans l’association, matérialisée par une monnaie locale : le MU (Mouton Usufruit). « Notre but n’est pas juste de prêcher la bonne parole en distribuant trois bouquets de fraise, mais de montrer aux gens qu’une meilleure alimentation est possible, qu’elle n’est pas réservée qu’aux riches », lâche la très militante Julie-Lou Dubreuilh.

 

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La Seine-Saint-Denis, les 2 fondateurs des Bergers Urbains (Julie-Lou Dubreuiilh et Guillaume Leterrier) sont d’abord tombés dessus par un concours de circonstances. « La porte d’entrée, ça a été La Chaufferie de Saint Denis et l’Université Paris 13 Villetaneuse, où on a pu réunir différentes activités, comme les moutons, la vigne ou le fauchage des foins », résume Julie Lou Dubreuilh. Avant de convenir que le hasard avait bien fait les choses. « Par rapport à notre combat contre l’emprise de l’urbain et la malbouffe, ça fait sens. Pourquoi les habitants d’ici devraient-ils moins bien manger qu’ailleurs, juste parce que leur pouvoir d’achat est inférieur ? », poursuit la jeune femme. « D’autant qu’avant son industrialisation, la Seine-Saint-Denis est historiquement une terre de maraîchage, souligne Julie-Lou Dubreuilh. Sur certaines parties, la pollution a évidemment rendu les terres impropres à la culture, mais d’autres, comme la partie basse du Parc Georges-Valbon sont encore d’excellente qualité ».
Ce qui pousse donc les Bergers Urbains à diversifier leurs activités : bien loin de ne faire que dans le mouton, la coopérative propose aussi des ateliers de maraîchage au parc du Sausset, entre Aulnay et Villepinte. Des cours d’agriculture naturelle, auxquels a aussi pris part Théo, jeune étudiant en sociologie. « Cultiver mes propres fruits et légumes m’aide à comprendre le vrai prix des choses et aussi à mieux manger. Par rapport au supermarché, sur le plan du prix comme de la qualité, on y gagne », explique ce jeune Drancéen à qui le goût du jardinage a été transmis par ses parents.

Le futur : des partenariats banlieue-campagne ?

7 ans de vie déjà pour Clinamen, cinq ans que les membres n’ont pas vu passer. Pendant que les merguez- production maison – cuisent doucement sur le feu de bois, les propositions fusent pour le prochain « septennat ». Noémie, artiste plasticienne et membre de la première heure, vient de soumettre en AG l’idée d’un fonds d’art contemporain qui viendrait abonder les caisses de Clinamen. Julie-Lou, elle aussi, a des rêves plein la tête. « On a encore plein de défis devant nous. Mon souhait le plus fou serait que de plus en de plus de gens soient vraiment formés chez nous aux techniques de l’agriculture paysanne. Pour ensuite pouvoir donner un coup de main aux agriculteurs de la campagne qui pourraient enfin un peu souffler. Pour une fois, au lieu d’être toujours dans une opposition ville-campagne, on pourrait avoir de vraies passerelles ».
A Clinamen, on cultive non seulement la terre, mais aussi les relations humaines

Christophe Lehousse
Crédits photo: Franck Rondot


Pour en savoir plus sur les différentes activités de l’association : https://www.association-clinamen.fr
Plus d’infos sur la transhumance, ici !