« Supplément d’Ame », la bouture réussie In Seine-Saint-Denis de Romainville

« Supplément d’Ame », la bouture réussie In Seine-Saint-Denis de Romainville

En ouvrant une boutique de fleurs à Romainville, Agnès Guillerme, ex-travailleuse associative a opéré un tournant radical, du social, au végétal. Malgré le coup de bambou du confinement, elle ne regrette pas sa reconversion.

Il n’y a pas mieux placée qu’Agnès Guillerme pour connaître les affres de l’insertion professionnelle : elle a travaillé pendant dix ans pour l’association C2DI 93.  » Nous reprenions à notre compte la devise d’ATD Quart Monde, selon laquelle « nul n’est inemployable ». Nous conseillions les entreprises pour qu’elles fassent leur place aux personnes éloignées de l’emploi, qu’elles s’adaptent au marché du travail », relate l’ancienne travailleuse associative. Très investie dans son métier et ce qui faisait son principal atout à ses yeux, le contact humain, elle s’en éloigne peu à peu : le travail associatif est peu à peu grignoté par les tâches administratives de demande de subvention, ou de réponse à des appels à projet. Quitte à avoir les mains dans de la paperasse, autant que cela soit du papier de soie. Ou alors, à la rigueur, dans du kraft.

Car Agnès Guillerme est une fille de la bruyère, plutôt que du bitume. Enfant, c’est sa grand-mère, en Bretagne, qui lui donne le goût du jardin. « Au début, je me suis dit que j’allais monter un projet d’insertion lié aux fleurs. Et puis cela demandait finalement encore de la bureaucratie, le travail collectif implique forcément une certaine lourdeur ». La jeune femme préfère rompre de manière radicale avec son ancienne vie, et se lancer toute entière et toute seule dans son nouveau projet : devenir fleuriste. Première étape : elle passe son CAP au lycée horticole de Montreuil en 10 mois. A la sortie, la reconvertie crée sa micro-entreprise, à laquelle elle travaille à 50% du temps. L’autre moitié , elle est salariée chez un fleuriste, pour s’assurer un revenu fixe et continuer à se former. « C’est sûr qu’avec mes petits ateliers dans mon garage, il n’était pas simple de tirer un revenu », se souvient-elle.

Solidaire et responsable

C’est un héritage qui, au bout de deux ans, l’autorise à faire le grand saut : s’offrir la boutique et le fond de commerce d’une fleuriste sur le départ à Romainville. Elle fait de Supplément d’âme son royaume. Bien qu’elle ait quitté le social, Agnes reste vigilante quant aux pratiques de ses fournisseurs, qu’il s’agisse des conditions écologiques dans lesquelles les fleurs sont produites ou des conditions de travail de leur salariés. « J’aimerais me fournir chez Halage ou à Fleurs de Cocagne, (des producteurs franciliens ndlr), mais seule, je ne peux pas me rendre chez les différents producteurs d’Ile-de-France. Je vais à Rungis, mais je privilégie les petits producteurs. D’ailleurs, on en perd régulièrement, il faut qu’ils continuent à venir! » s’inquiète-t-elle.

Outre une proposition de fleurs « solidaires et responsables », Agnès Guillerme propose aussi, dans sa boutique « Supplément d’âme », une esthétique qui tranche avec ce que faisaient jusque là les fleuristes traditionnels : « Je travaille sur les fleurs séchées, je propose quelques branchages marrants. Ce que je fais ressemble à ce qui se fait dans les boutiques parisiennes, et je trouve notamment ma clientèle parmi les « nouveaux arrivants » de Romainville, qui viennent eux aussi de Paris intra-muros », détaille la néofleuriste.

« J’en bave »

Si la boutique était plutôt « bien partie » à son ouverture, en 2017, le confinement a jeté quelques épines sur son nouveau chemin. « J’en bave, c’est dur. Je travaille beaucoup d’heures, pour peu de sous. Si je n’avais pas un conjoint à la situation financière stable, ce serait beaucoup plus compliqué. Mais d’un autre côté, j’ai atteint mes objectifs : je travaille dans le domaine du végétal, mes tâches sont variées, il y a une dimension créative dans mon métier ». Ce qu’elle préfère? C’est toujours la relation au client.

 

Elsa Dupré