A la MC93, la mode In Seine-Saint-Denis sous toutes les coutures…

A la MC93, la mode In Seine-Saint-Denis sous toutes les coutures…

Retour sur l’évènement mode In et made In Seine-Saint-Denis organisé le 8 juillet 2021 à la Maison de la Culture de Bobigny lors du « Quartier Général » d’Africa 2020, la saison culturelle qui raconte l’Afrique d’aujourd’hui. Une journée où les créateurs de Seine-Saint-Denis ont fait résonner les multiples liens et engagements qui les unissent au continent africain.

Un fil tendu vers l’Afrique, c’était le mot d’ordre du « Quartier Général » installé du 1er au 11 juillet à la MC93 de Bobigny, dix jours de festivités pour célébrer le continent africain dans le cadre de la Saison Africa 2020 portée par l’Institut français. Dix jours donc pour célébrer la culture africaine sous toutes ses coutures… A commencer par celles de la mode lors de la journée du 8 Juillet orchestrée par le IN et ses ambassadeurs et ambassadrices, inventeurs et promoteurs d’une mode éthique et engagée. Un évènement qu’on va vous raconter de manière un peu décousue, mais évidemment bien aiguillé par les talents créatifs de la Seine-Saint-Denis.

De Montreuil à Addis-Abeba…

Du bien ficelé pour commencer néanmoins avec le débat du jour intitulé : « Jeune création, mode engagée, cultures et savoir-faire africains : une hybridation vertueuse en Seine-Saint-Denis. »

Vaste question qui mérite des précisions. Celles de Natty Ngoy d’abord, ambassadrice et créatrice de la marque Inaden . Depuis 2015, la Montreuilloise fait vivre « une marque d’accessoires qui s’engage à valoriser une chaîne de production africaine. » Avec des accessoires de maroquinerie –sacs, ceinture, pochettes- produits grâce à sa collaboration avec un atelier artisanal en Éthiopie, pays réputé pour son cuir de chèvres. Une démarche qu’elle veut la plus engagée possible : « Je ne dis pas qu’on va sauver l’Afrique avec nos sacs, expose la trentenaire franco-zairoise, mais je fais en sorte d’assurer des conditions de travail dignes à nos employés. La mode que je défends est consciente et en diffusant mes créations en France, je m’attache à démontrer que la création en Afrique est multiple, qu’elle ne se réduit pas à la seule toile de wax. Et puis, en mixant mes créations chic et bohème, plutôt épurées avec la mode façon éthiopienne où ils auraient plutôt tendance à mettre des zips et des boutons un peu partout, je mixe des univers, ce qui est finalement l’essence de la création. »

Exactement ce que proposait Anna de l’agence créative « Son of sneakers », une des premières ambassadrices soutenues par le In lors de sa création il y a cinq ans, en organisant un atelier « de customisation de sacs du bled. » Autrement dit, « l’art du système D tel qu’il peut exister en Afrique mais aussi en Seine-Saint-Denis » et que défend à sa manière cette « addict » des sneakers en soutenant « une mode éco-responsable à travers le travail que nous faisons pour donner de la visibilité à des marques qui font de la customisation de baskets. »

Saint-Ouen par la route du wax avec la Casa 93

Élève de la quatrième promotion de la Casa93 , l’école made et mode In Seine-Saint-Denis, Kevia a remis 200 fois sur le métier son ouvrage pour créer une veste patchwork composée de deux centaines de pièces de wax, tissu star de l’Afrique subsaharienne importé par les Hollandais depuis l’Indonésie. Pour faire court, il faut juste raconter que pour « tenir » leurs colonies en Indonésie, les Hollandais se sont adjoints au 19e siècle les services de mercenaires venus des côtes d’Afrique de l’Ouest où ils possèdent des comptoirs commerciaux. Lesquels mercenaires rapporteront ensuite avec eux le « batik », un tissu héritier du wax que les Hollandais fabriqueront chez eux avant de l’importer massivement vers l’Afrique de l’Ouest jusque dans les années soixante. Un mélange old-fashion qui ressemble un peu à ce qu’est la mode, creuset d’influences multiples. « Et, c’est aussi, un peu ce qu’est aujourd’hui la Casa93, une école de mode qui a la particularité de porter chaque année une création collective qui porte des inspirations tellement différentes, fusionnées qu’à la fin on en sait plus trop quelle est l’influence principale de cette collection », sourit Mogany Pichancourt, responsable pédagogique et créative de la formation au sein de la Casa93.

Un trait distinctif choisi à dessein :

« Si nous avons choisi de nous implanter dans le 93, c’est parce que c’est un département où les cultures, les nationalités et les savoir-faire se mélangent presque naturellement, ce qui compose un territoire unique pour l’émergence d’une nouvelle mode engagée et multiculturelle »,

prolonge Nadine Gonzalès, la créatrice de l’école qui migrera vers Montreuil lors de la prochaine rentrée. Autrement dit sur le pas de la porte du Montreuillois Will Dubois, l’un des gagnants du concours lancé au printemps dernier par Casa93 en partenariat avec le In Seine-Saint-Denis. Exposé à la Maison de la culture de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le sac à main upcyclé -à partir d’un sac en papier issu d’une chaîne de fast-food qui se distingue avec un grand M- a permis à Will Dubois d’être sélectionné pour passer l’oral d’admission de l’école. Un cap passé avec succès et qui lui ouvre désormais l’ambition de « faire vivre sa créativité dans cette école pas comme les autres où on écoute aussi vos envies et où les enseignants cherchent aussi à apprendre des choses de leurs élèves. »

Du Caire à Ougadougou en passant par Bobigny avec Miss Coco

« Il n’y a pas plus In Seine-Saint-Denis que moi », jure Miss Coco, alias Corinne Gabele, « née à Saint-Denis, grandie entre Stains et La Courneuve et maintenant audonienne. » Photographe autodidacte et créatrice de la marque de bijoux « Noir Fluo », la jeune femme avait la charge d’animer le photocall organisé par Art Press Yourself, l’association de Laetitia N’Goto, lauréate de l’édition 2019 du concours d’idées Go In Seine-Saint-Denis, qui s’évertue à faire connaître et émerger les talents artistiques des quartiers. « L’idée de ce photocall, c’est de créer des portraits stylisés sur le thème de l’Égypte et du Burkina Faso, invités d’honneur du Quartier Général de la MC 93, avec des accessoires ou des couleurs qui rappellent les deux pays, mais aussi avec ce que j’ai à portée de main, des vêtements chinés en Seine-Saint-Denis », glisse Miss Coco avant d’enrubanner de doré une jeune femme docile. Des alliages originaux de tissus et de couleurs qui flashent entre les dorures hommage aux pharaons égyptiens, et les tonalités de vert et de rouge qui rappellent le drapeau burkinabé. « Finalement, raconte Miss Coco, ce sont des compositions qui sont un peu à l’image de ce qu’est la Seine-Saint-Denis, un mix d’influences diverses, d’entraides, d’idées qui émergent, pas toujours abouties mais avec de l’envie… »

Une philosophie créative que partage Laetitia N’Goto : « Souvent, les lanceurs de tendance dans la mode, la musique viennent des quartiers et sont même assez fréquemment issus de la culture caribéo-africaine. C’est nôtre rôle comme celui d’un réseau comme le In Seine-Saint-Denis de les aider à développer leurs projets, à croiser leurs expériences avec d’autres ambassadeurs d’une Seine-Saint-Denis où le métissage des talents et des énergies est presque une marque de fabrique. »

Tout simplement parce que la mode In Seine-Saint-Denis ne tient pas qu’à un fil…

Frédéric Haxo

Crédits photo: Bruno Levy pour le In Seine-Saint-Denis