Fonky Foued, l’enfant du hip-hop

Fonky Foued, l’enfant du hip-hop

En 1982, Fouad Hammani est un ado de Montreuil lorsque le « New York City Rap Tour » pose ses rythmes à Pantin. Une première pour le hip-hop US en France qui sera une révélation pour lui. Aujourd’hui danseur et chorégraphe, il sera l’un des membres du jury du prochain concours du « Go In » célébrant les 42 ans du hip-hop en France.

Engager une discussion avec Fouad Hammani, c’est l’assurance d’un voyage aux racines de l’histoire du hip-hop. Car, le moins qu’on puisse écrire, c’est bien que le danseur et chorégraphe est une mémoire vivante du hip-hop.
Rien d’anormal puisque du haut de ses 53 ans, le Montreuillois a connu les débuts de cette culture, importée en France dans les années 80, en droite ligne des Etats-Unis.  

Pour le jeune Fouad, à peine adolescent, la rencontre avec le milieu du hip-hop s’enclenche ainsi en 1982. Tito, un de ses cousins plus âgés, à peine revenu de l’ex-hippodrome de Pantin lui racontent la transe du « New York City Rap Tour », une tournée hexagonale qui va faire émerger l’art du breaking de ce côté de l’Atlantique. « A l’époque, il faut imaginer qu’il n’y pas de portable, pas de vidéo sur les réseaux. Mais, mes cousins qui sont fans de soul et de funk me racontent le passage du Rock Steady Crew, un groupe de breakdance et de hip-hopnew-yorkais. Et surtout, ils m’expliquent qu’il y a une nouvelle danse, le smurf, avec des gars qui dansent sur le dos… Pour moi, c’est le point de départ de tout… » 

Rendez-vous à Ticaret

Effectivement, et là on accélère un peu notre voyage dans le temps, pour mieux revenir plus tard en arrière. Promis. En 1989, Fouad co-Fonde la compagnie de danseurs « Macadam » auquel succède « If» en 1993. Et enfin, quatre ans plus tard les « Boogie Lockers» avec Alberto « Junior » Almeida, pionnier de la danse hip-hop en France devenu son comparse de toujours puisque le groupe de street-dance est toujours en activité en 2024. Une trilogie nourrie de diverses expériences.

En 1989 encore, Macadam et Fouad se produisent pour la première fois sur scène au Théâtre Berthelot de Montreuil. « C’était assez particulier, parce que c’était ma ville, mon univers. Mais, ce jour-là, il n’y avait pas que de la danse, il y avait des graffeurs, des DJ. Sept ans après le passage du Rock Steady Crew à Pantin, la culture hip-hop imprégnait un peu plus la France. Et moi, je continuais à m’y plonger en fréquentant épisodiquement le boulevard de la Chapelle à Paris, l’adresse d’un terrain vague où se retrouvaient graffeurs, tagueurs, Dj, breakdancers, et plus fréquemment, pas loin, la boutique Ticaret où on pouvait trouver des fringues, accessoires qui venaient des Etats-Unis. »

De l’Opéra-Comique à Chaillot

Arrivé à ce moment précis de la fin des années 80, Fouad tient à remettre l’église au centre du village : « Beaucoup disent que le hip-hop a émergé en Seine-Saint-Denis, mais ce n’est pas totalement vrai. Tout se passait encore à Paris sur les Champs, au Trocadéro où, en revanche, les jeunes de banlieue allaient breaker. Après, c’est vrai que la culture rap et hip-hop doit beaucoup à la Seine-Saint-Denis, à sa jeunesse et à NTM, Aktuel Force en particulier et MACADAM. »

Ignorant qu’il fait l’histoire, Fouad continue en tout cas d’introduire le hip-hop sur toutes les scènes possibles. « En 1993, j’ai amené le hip-hop sur la scène de l’Opéra-Comique à Paris avec Art Zone et Black Blanc Beur. Et puis, il y a eu les rencontres des danses urbaines de la Villette en 1996 avec If. Plus tard encore, j’étais chorégraphe de l’aventure des bals du 14 juillet au Grand Palais avec la Compagnie de José Montalvo dont j’étais l’un de ses danseurs et collaborateurs. »

Impossible de tout résumer ici. D’ailleurs, cela ne nous laisse que quelques mots pour effleurer du doigt la carrière de danseur et chorégraphe de Fouad au service de MC Solaar, les Rita Mitsouko, Organiz ou encore des tournées du chanteur de RnB Matt Houston.

En mode remise à jour avec la jeunesse...

Pêle-mêle, il y aussi des années de tournées à travers le monde, de participations à des clips encore ou de shows évènementiels sur lesquels se retourne le futur juré du concours d’idées Go In Seine-Saint-Denis -notre encadré – consacré au hip-hop.

Sans nostalgie, mais avec optimisme pour l’artiste rebaptisé en 2001 à Los Angeles « Fonky Foued » par l’un des coach de Michael Jackson : « En fait, ma vie est un roman ! Quand j’étais môme à Montreuil dans les années 80, je n’aurais jamais cru faire tout ce que j’ai fait jusqu’ici. Mais, ça montre qu’il faut croire en ses rêves. Et d’ailleurs, c’est ce que je dis aux futurs candidats du Go In : osez aller de l’avant. S’engager sur ce concours sera déjà une victoire. Bien sûr, ça a l’air un peu « con-con » comme phrase, mais c’est hyper-important de savoir relever des challenges. Et pour les jeunes de Seine-Saint-Denis qui ont un esprit hyper-créatif, le concours du Go In est un beau défi à affronter. »

Lui en a encore bien d’autres à vivre car il se voit un peu comme un gardien du savoir et de la culture hip-hop. « Mais, attention, je ne fais pas que raconter, j’écoute aussi la jeune génération parce qu’elle me permet des mises à jour qui me sont toujours utiles, tempère-t-il. En tout cas, transmettre, c’est quelque chose que j’aime faire, aussi bien à travers les cours que je donne dans les écoles que lors des conférences dansées des Boogie Lockers, entre autres à Chaillot (1) avec Sidney », son acolyte, ex-animateur de la cultissime mais éphémère émission H.I.P. H.O.P. qui ne durera qu’un an, en 1984, sur les écrans de TF1.  

Toute une époque écoulée que Fouad -> avec un A à l’état civil à cause d’une erreur lors de l’enregistrement de ma naissance » et son double « Fonky Foued » comptent bien prolonger tant que le rythme les porteront : « Moi, je resterai toujours comme un bébé qui bouge dès qu’il entend de la musique. Parce que finalement, le hip-hop, c’est un peu comme l’enfant intérieur en moi, qui continue de danser… »

Frédéric Haxo
Crédits photos : Bruno Levy

1) Chaillot Expérience #9, vendredi 14 juin avec une conférence dansée
des Boogies Lockers au Théâtre national de la danse de Chaillot.


 

Go In Seine-Denis, un concours de retour...

LeIN Seine-Saint-Deniset l’associationCulture de banlieue ont lancé, le 15 mai dernier, le concours « Go In Seine-Saint-Denis » sur le thème duhip-hopafin de célébrer les 40 ans de cet art en France. Un concours en mode freestyle puisque les candidats sont invités à soumettre leurs propositions artistiques sous n’importe quelle forme (vidéo, écrit, croquis…). L’objectif : révéler les talents émergents de la culture hip-hop In Seine-Saint-Denis et ensuite les accompagner. Alors à vous de jouer puisque les candidatures sont ouvertes jusqu’au30 juin 2024 et pour en savoir plus, ça se passe par ici!