Julien Cholewa : dans sa vie, le hip-hop a une place à part entière.

Julien Cholewa : dans sa vie, le hip-hop a une place à part entière.

Directeur de « La Place », lieu d’expression dédié au hip-hop au cœur des Halles de Paris, le quarantenaire sera l’un des membres du jury du prochain Go In qui célèbre les 40 ans de ce mouvement culturel dans l’Hexagone. A cette occasion, le In a déroulé avec lui presque autant d’années consacrées à promouvoir la scène hip-hop sous toutes ses formes. 

Bienvenue dans la place

Pour Julien Cholewa, 43 ans, la rencontre avec l’univers musical du hip-hop est d’abord familiale au début des années 90 : « Je devais avoir 10-11 ans, on habitait Paris, et c’est un cousin plus âgé qui habitait en Suisse qui m’a, en quelque sorte, initié. Grâce à lui, je récupérais des K7 de rap US comme Gang Starr. Comme, il faisait aussi du graffiti, je l’ai suivi quelquefois, même si je dois avouer que je n’étais pas très doué ! A côté de ça, il y a également ma grande sœur qui a dû ramener le disque « Rapattitude » à la maison. Sans oublier mes parents qui étaient très ouverts musicalement : on écoutait Nova à la maison. Et je me souviens aussi qu’ils m’ont emmené voir James Brown à Bercy dans les années 90… » 

Plus tard, Julien Cholewa embraye avec un second déclic. Sportif et musical : « J’étais toujours ado, c’était lors d’un stage de tennis estival où le titre « Authentik » de NTM tournait en boucle. Quand je suis rentré chez moi, je me suis mis à écouter la K7 de l’album, en boucle aussi. C’est là que j’ai commencé à vraiment entrer dans l’univers du rap avec IAM, MC Solaar. Je lisais et j’écoutais tout ce que je pouvais sur le sujet. J’étais comme boulimique… » 

Toujours bien placé…

Un déménagement dans la périphérie d’Auxerre plus tard, le jeune Julien « crée un groupe de rap avec des potes collégiens. Dès mes 13 ans, j’ai commencé à écumer les fêtes de la musique et un maximum d’évènements où on pouvait placer notre rap », se souvient-il encore.  

La suite ? Son côté Helvète underground le fait de nouveau voyager vers la Suisse où « un oncle qui travaillait dans une radio m’a permis de récupérer des platines Technics qui allaient partir à la poubelle. C’est là que j’ai commencé à scratcher. » 

Et, comme le hasard s’aligne encore une fois sur ses rythmes de rappeur précoce, il croise lors de vacances d’été, « la route de Montreuillois qui vont vraiment m’apprendre à scratcher. L’un deux était proche de DJ Merlin. C’est lui qui m’a appris à mixer à Montreuil. Plus tard, j’ai passé pas mal d’après-midis à Montreuil à écouter ses vinyles de rap US. C’est ce qui a construit, encore un peu plus, ma culture musicale. »  

Trouver sa place…

En avançant vers l’âge adulte, Julien Cholewa se confronte à l’évolution du rap, qui devient plus commercial, plus populaire, ce qui le désoriente aux entournures : « Avant que le rap ne décolle à la fin des années 90, entre autres, sous l’impulsion de la radio Skyrock, j’avais l’impression d’appartenir à une culture d’initiés. Lorsqu’on découvrait un groupe de rap indé’, c’était presque comme si on déterrait un trésor. Donc, comme j’étais un peu une sorte de puriste de la musique hip-hop, je me posais beaucoup de questions sur le boom commercial qu’a connu le rap au début des années 2000. »  

Des questions qu’il va formaliser lors de ses études universitaires en sociologie et anthropologie poussées jusqu’à un DEA sur l’institutionnalisation et la normalisation des cultures populaires et du hip-hop. Mais, sorti de la fac de Nanterre, se pose néanmoins une autre question, celle de son avenir professionnel : « Et là, confesse-t-il sans détour, je me suis dit qu’il y avait des gens beaucoup plus doués que moi derrière des platines, qu’il valait mieux que je me limite à une pratique amateure même si j’ai scratché sur quelques productions un peu underground. En tout cas, je ne me voyais pas non plus sociologue, j’avais besoin d’être dans le concret. » 

Une place de plus en plus grande...

Pour trouver sa voie professionnelle, le carnet d’adresses des recherches universitaires de Julien Cholewa va lui être plus qu’utile : « J’ai rappelé Bruno Laforestrie, le directeur de Générations -la radio dédiée au hip-hop et aux cultures urbaines fondée en 1996- que j’avais interviewé dans le cadre de mon mémoire d’études. Il m’a parlé d’un projet de festival et du début de discussions avec la Mairie de Paris. Rapidement, j’ai commencé à travailler avec lui ainsi que Yannick Freytag, aujourd’hui à La Place avec moi, pour structurer et développer l’association Hip Hop Citoyens qui venait d’être créée. » 

Au sein de Hip Hop Citoyens, qui commencera, sous l’impulsion de Princess Aniès, par réunir une grande partie des artistes français issus de la scène hip-hop pour les mobiliser au moment de la déflagration du passage de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002, le désormais ex-étudiant en sociologie s’attelle aussi à la rédaction d’un diagnostic sur les rapports entre les institutions locales parisiennes et le mouvement Hip Hop. 

Dans la foulée de la remise de ce rapport en 2005, Julien Cholewa devient le co-fondateur et le programmateur de « Paris Hip-Hop : la Quinzaine du Hip Hop en Ile-de-France ».  

Paris Hip-Hop, un festival bien en place

« Paris Hip-Hop, rembobine aujourd’hui Julien Cholewa, c’était un énorme projet sous forme d’une quinzaine culturelle dont je garde plein de moments incroyables en mémoire, comme le Zénith de Snoop Dogg en 2011 pour sa tournée « Doggystyle » du nom de son mythique premier album. Surtout, c’était près d’une quarantaine d’évènements qu’on produisait directement ou qu’on labellisait et finalement c’est devenu une grosse marque au fil des 14 éditions organisées jusqu’en 2019. Juste avant que le Covid n’emporte l’évènement.

Aujourd’hui, ça reste évidemment une belle aventure professionnelle et ça représente surtout l’essence de ce que j’ai toujours voulu faire : « enfoncer » les portes pour mettre en lumière des artistes et la culture du hip-hop en général. Ce que je continue de faire aujourd’hui comme directeur de La Place. » 

La Place, au cœur de Paris et cœur du hip-hop

Depuis 2020, Julien Cholewa est le directeur et programmateur de « La Place », centre culturel et d’expression dédié au hip-hop à Paris, installé sous la canopée des Halles. Presque un retour aux sources dans un quartier où tout a commencé : « Les Halles, c’est effectivement un quartier historique du hip-hop aussi bien pour les fringues que les boutiques de vinyles ou comme lieu de rassemblement des danseurs. Dans ce lieu cofondé par la Ville de Paris avec le Département de la Seine-Saint-Denis, on fait vivre à l’année une salle de concert, des salles pour les battles ou les créations chorégraphiques, des studios et des cabines d’enregistrement.

Bref, c’est un projet entièrement dédié au hip-hop et à la street-culture avec l’idée d’accompagner les artistes, côté musique, danse, peinture, graffiti. Sur une saison, on accueille ainsi presque une cinquantaine d’artistes en résidence. Et, depuis 2021, on a lancé L2P Convention, la première convention française dédiée au hip-hop. Un peu à l’image du A3C à Atlanta, c’est un moment où on peut se croiser, travailler ensemble, qui associe d’ailleurs par mal de structures de Seine-Saint-Denis, comme le Canal 93. Cette convention, comme ce qui est réalisé au quotidien à La Place, c’est aussi l’idée d’une transmission vers les plus jeunes, avec l’envie que les futures générations du hip-hop puissent à leur tour innover et créer ce qui n’a pas encore été imaginé… »  

De Bobigny à Clichy-sous-Bois, un itinéraire qui a toute sa place IN Seine-Saint-Denis

« Devenir jury du prochain concours Go In Seine-Saint-Denis dédié au hip-hop, c’est une pierre de plus dans ma vie d’activiste du hip-hop, explique Julien Cholewa. Tout simplement parce que c’est un concours qui veut aider à repérer les artistes, les mettre en valeur : c’est donc logique pour moi d’accepter de m’engager dans ce jury. Et la Seine-Saint-Denis, ce sont aussi de nombreux liens tissés au fil de mon histoire avec le hip-hop. Au début des années 2010, au moment de Paris Hip-Hop, on a, par exemple, aidé à porter le festival Effervescence des cultures urbaines à Clichy-sous-Bois. Pour remonter au début de cette histoire, il y aussi le Festival XXL Performance à Bobigny auquel j’ai assisté ado : j’y avais vu Smif-N-Wessun, Das EFX, La Brigade.  

Un moment parmi d’autres en Seine-Saint-Denis qui m’a vraiment marqué… » 

Frederic Haxo
Crédit photos : Bruno Levy

Go In Seine-Denis, un concours de retour...

LeIN Seine-Saint-Deniset l’associationCulture de banlieue ont lancé, le 15 mai dernier, le concours « Go In Seine-Saint-Denis » sur le thème duhip-hopafin de célébrer les 40 ans de cet art en France. Un concours en mode freestyle puisque les candidats sont invités à soumettre leurs propositions artistiques sous n’importe quelle forme (vidéo, écrit, croquis…). L’objectif : révéler les talents émergents de la culture hip-hop In Seine-Saint-Denis et ensuite les accompagner. Alors à vous de jouer puisque les candidatures sont ouvertes jusqu’au30 juin 2024 et pour en savoir plus, ça se passe par ici !