Les Alchimistes, un pari culotté In Seine-Saint-Denis !
A Pantin, sur le site d’une ancienne station-service, ce lauréat de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis, valorise depuis 2020 les couches-culottes habituellement enfouies ou incinérées. Un projet écologique qui prend de plus en plus d’essor…
Tout près de l’Ourcq à Pantin, il n’y a plus de pétrole depuis plusieurs années sur le site d’une ancienne station-service située à quelques entrechats du Centre National de la Danse… En revanche, on n’y manque pas d’idées !
Depuis 2020, Les Alchimistes, entreprise solidaire d’utilité sociale, en pointe dans le traitement des biodéchets, a installé sur cette friche urbaine le “Couches Fertiles Lab.”
Sous cette appellation, on trouve en fait la “création d’une nouvelle filière de compostage de couches pour bébés”, résume Mathilde Chataigner, chef de projet de l’antenne pantinoise des Alchimistes.
Sur cette bande de terre astucieusement baptisée “René.e” et partagée avec la pépinière de quartier de Pépins production, un trio de pionniers du recyclage s’évertue à donner une nouvelle vie aux couches de protection pour enfants. Un gisement qui semble d’ailleurs inépuisable lorsqu’on sait que 3,5 milliards de couches sont jetées chaque année en France, et plus précisément enfouies ou bien incinérées.
Enfin, pour en rajouter une couche, n’oublions pas de préciser que les protections des nouveaux nés sont aussi enrichies en nutriments présents dans l’urine (azote) et les matières fécales (phosphore, potassium).
Au tour des bactéries de jouer
Seulement, tout n’est pas encore si rose dans cette histoire de chérubins et de couches-culottes…“Pour le moment, on ne travaille qu’avec des fabricants spécifiques qui produisent des couches qui sont compostables, parce que dans les modèles les plus répandus dans le commerce, il y a encore trop de morceaux de plastique qui ne sont pas compostables”, développe Mathilde Chataigner devant une ex-montagne de couches en décomposition. Sous une couverture, qu’elle soulève d’un geste assuré, repose en fait un tas fumant où il y a trois ou quatre mois subsistait encore un broyat de couches toutes fraîches collectées dans une quinzaine de crèches partenaires de Seine-Saint-Denis et de Paris : “Une fois bien triées et broyées, les couches sont mélangées avec des déchets alimentaires et du broyat de bois. Ensuite, c’est au tour des bactéries et autres micro-organismes de jouer”, complète en souriant Julien Reduron, le chef d’exploitation du Couches Fertiles Lab. Pour le moment, il faut au moins quatre mois pour obtenir un compost satisfaisant, mais dans la nature, une couche normale mettrait près de 400 ans à se décomposer !”
Testé sur des cornichons…
Un modèle que les Alchimistes, lauréats de l’Appel à projets Agir In Seine-Saint-Denis en 2022, cherchent désormais à dupliquer à plus grande échelle en fédérant de plus en plus de crèches privées ou publiques autour de leur projet. “Nous faisons le pari que la couche de demain sera 100% compostable et que le compostage des couches deviendra une évidence et peut-être même une obligation pour tous”, explique-t-on du côté de l’entreprise installée à l’Ile-Saint-Denis. Une fois compostées, les couches vivent une nouvelle vie en tant que compost et peuvent végétaliser les villes et nourrir les sols.”
Un pari raisonné et raisonnable qui s’appuie aussi sur le fait qu’une loi anti-gaspillage pour une économie circulaire – votée en février 2020 – a acté le fait qu’à partir de janvier 2024, la fin de vie des textiles sanitaires jetables, comme les couches, serait encadrée par une REP, autrement dit une responsabilité élargie du producteur. Bref et pour ne plus tourner autour du pot comme un bébé sans-couches : celui qui fabrique, qui distribue un produit ou qui importe un produit doit prendre en charge sa fin de vie.
Laquelle fin de vie des couches pourrait s’achever sur des cultures de roses ou de choux : végétaux où, personne ne l’ignore, naissent les bébés des deux sexes…
Plus sérieusement, on sait aujourd’hui, après deux ans d’études menées sur des cornichons et des blettes au sein de l’Ecole nationale d’horticulture du Breuil à Paris, que le compost concocté à Pantin par les Alchimistes est davantage efficace qu’un mélange plus “classique”.
En plus, une seule couche de compost suffit…
LES ALCHIMISTES, L’IN-NOVATION AU COEUR DE LA SEINE-SAINT-DENIS
Créé en 2016, “Les Alchimistes” est un réseau d’entrepreneurs dont le métier est la “collecte et le compostage des déchets alimentaires en ville” pour produire un compost qui nourrit les sols. Entreprise solidaire d’utilité sociale, les Alchimistes a installé son siège sur le site de Lil’o à l’Île Saint-Denis. Sur cette ancienne emprise industrielle qui forme la pointe du Parc départemental de l’Ile-Saint-Denis, les déchets alimentaires sont transformés en compost, en partie utilisé par l’association Halage, ambassadeur du In-Seine-Saint-Denis, pour sa ferme horticole. A Stains, dans le quartier du Clos-Saint-Lazare, Les Alchimistes collectent aussi les biodéchets des habitants à cheval.
Frédéric Haxo
Crédits photo : Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis