Nicolas Faubert, l’«arthlète » du mouvement

Nicolas Faubert, l’«arthlète » du mouvement

Artiste pluridisciplinaire, le trentenaire actuellement en résidence à la Fondation Fiminco de Romainville, a l’art de saisir l’éphémère et la force du mouvement. Une perception artistique construite en « apprivoisant » son handicap visuel. Portrait. 

« Bienvenue dans mon antre, excusez le désordre, tout est un peu sans dessus-dessous, mais je sors tout juste d’un vernissage… »  

En poussant la porte de son atelier de la Fondation Fiminco à Romainville, Nicolas Faubert prend quelques précautions pour nous expliquer que son lieu de résidence et de création n’est pas tout à fait ordonné au cordeau. C’est donc un joyeux bazar qui nous accueille à l’image d’un artiste trentenaire qui n’aime rien tant que se démultiplier : tout à la fois danseur, performeur, sculpteur, peintre…

D’ici cet été, son art de défier la gravité sera également en suspension, entre autres au Musée d’Art et d’Histoire de Seine-Saint-Denis dans le cadre des Olympiades culturelles de Paris-2024, pour une des sessions d’Arthlète, un festival culturel qui réunit l’art et le sport -notre encadré. « On est heureux lorsqu’on enchaîne les évènements et les vernissages, sourit l’artiste à la fine moustache. Mais, la vie d’artiste ce n’est pas comme ça tout le temps. Je ne vais pas jouer le rabat-joie, mais ça n’a pas toujours été aussi simple pour moi… » 

Une carte de visite bien remplie

Et même un peu plus compliqué lorsqu’il naît en 1991 à Libreville au Gabon, handicapé visuel à plus de 80 %, victime d’un glaucome et d’une cataracte congénitales. Ensuite à l’adolescence, le jeune homme rejoint d’abord la région parisienne où il est « ballotté entre différents hotels sociaux et collèges « difficiles » avant de prendre le chemin de la Normandie où il commence alors à s’immerger dans l’univers de la cuture hip-hop. Apprivoisant peu à peu son handicap visuel : « Dans les salles de break, je détonnais en dansant debout, mes yeux étant encore trop fragiles pour tenir les positions renversées au sol », se souvient-il.  

Et puis Nicolas Faubert commence aussi à organiser ses premières battles, tout en posant ses mouvements de danse partout où il le peut jusqu’à être repéré à l’occasion d’une audition pour la comédie musicale Robin des Bois. «A l’époque, j’ai un peu plus de 20 ans, quand les organisateurs me poussent à m’inscrire à l’Académie Internationale de la Danse de Paris, dirigée par Nicole Chirpaz. Pendant deux ans, je vais me former en étudiant la danse, le chant et la comédie… » 

La suite est encore nourrie de rencontres et d’expériences qui font la richesse de Kryzastyle, l’alias artistique de Nicolas Faubert. Lequel affiche aujourd’hui une carte de visite et un agenda, remplis entre autres par la direction artistique de l’association Heart street qui promeut les cultures urbaines, de producteur du projet collectif Arthlete qui explore donc l’art des b-boys -les spécialistes du breakdance. Ou encore d’intervenant à l’Institut national des jeunes aveugles. « J’aime bien inviter d’autres artistes sur mes projets et qu’on m’invite aussi », sourit-il. Grâce à l’art, je me suis reconstitué une autre famille. Parce que ma mère, c’est mon père », confie-t-il dans une ellipse pudique.    

De la Biennale de Venise aux classes ULIS...

Un art de provoquer les collaborations artistiques qui amène la plasticienne et vidéaste Laure Prouvost à convier Nicolas Faubert à intégrer son projet pour le Pavillon français de l’édition 2019 de la Biennale d’art contemporain de Venise. Pour elle, il performe dans l’enceinte du Pavillon pendant toute la durée de l’évènement vénitien.  

Une ligne de plus sur son CV dont il ne fait pas spécialement un titre de gloire. Car, pour l’ambassadeur du In Seine-Saint-Denis, l’essentiel est d’ouvrir l’art au plus grand nombre : « Moi, ce que j’aime, c’est casser les barrières entre les disciplines (la danse, les arts plastiques, la photo ou la mode), mais aussi toutes les barrières sociales, afin d’ouvrir un réel accès à la culture pour tous. Et c’est d’ailleurs, ce qui fait la richesse de la Seine-Saint-Denis où il y a une vraie place pour les créateurs, celles et ceux qui savent oser… » 

Voilà pourquoi, Nicolas Faubert se sent aussi bien dans les galeries d’art les plus prestigieuses que lorsqu’il intervient auprès de collégiens inscrits en parcours ULIS (un dispositif pour la scolarisation des élèves en situation de handicap) en banlieue parisienne : « Ils ont beaucoup d’énergie, un vrai regard sur le monde alors que l’éducation nationale, certains profs en tout cas, a tendance à manquer de compréhension envers eux. Moi, je trouve dommage qu’en France, on ne sache pas t’apprendre à apprendre, à mieux connaître tes facultés. » 

Tout le contraire de Nicolas Faubert, ambassadeur du In Seine-Saint-Denis qui a su transformer en force son handicap visuel : « Quand je breake, lorsque je peins ou je crée, je refuse que mes capacités soient limitées par des circonstances naturelles, dit-il. Et ça rejoint en fait l’essence de la danse hip-hop qui veut créer une zone d’antigravité et aller contre nature… » 

Une bonne manière, en soi, de dévoiler, un peu plus, les mystères de la création revendiqués par Nicolas Faubert. Mais pour explorer davantage encore son univers, on vous encourage à écouter le conseil de l’artiste : « Ce que j’aime avant tout, ce sont les êtres humains et le moment de la rencontre. Alors, si tu veux me découvrir, viens me voir ! » 

L’art et le sport font leur Festival In Seine-Saint-Denis

Arthlète, festival culturel réunissant l’art et le sport, est un projet qui a été initié par Nicolas Faubert à l’occasion de l’introduction du breakdance au programme des Jeux de Paris 2024. A travers différents rendez-vous programmés jusqu’à cet été en Seine-Saint-Denis et à Paris (1), ce sera l’occasion de battles de danse, d’expositions, de projections de films ou de rencontres avec des artistes des cultures urbaines. Les coulisses du projet Arthlète et l’univers de Nicolas Faubert  sont également à découvrir à La Fondation Fiminco qui présente jusqu’au 24 juin à Romainville, La Logique des lieux, l’exposition de sa quatrième promotion d’artistes en résidence 

(1) Tout le programme d’Arthlète est à découvrir ici