Un vrai effet « boule de drêche » made In Seine-Saint-Denis…

Un vrai effet « boule de drêche » made In Seine-Saint-Denis…

A Saint-Ouen, Épinay ou Romainville, les activités de recyclage des drèches -les résidus issus du brassage de la bière- se multiplient pour réaliser des produits alimentaires de qualité en circuit ultra-court. Des solutions pour l’alimentation durable de demain concoctées avec une bonne louche de système D à la sauce 93. Présentation de trois « drêcheurs » en pointe.

« RAMEN TES DRECHES », la main à la pâte de l’économie sociale et solidaire

Crédits photo: Ramen tes drêches

Installée depuis septembre 2020 à Romainville, « Ramen tes drêches », la petite entreprise de Sabrina Michée commence à trouver son rythme de croissance, malgré les aléas de la crise sanitaire. « Nous sommes déjà référencés dans 130 magasins principalement en Ile-de-France et près d’une centaine de points de ventes vont s’ajouter en mai. Surtout des magasins bio, des épiceries indépendantes et des caves à bières », comptabilise la néo-entrepreneuse.

Logique pour un produit qui recycle donc les drêches, ces résidus de céréales issus du brassage de la bière pour en faire des « r?mens », autrement dit des nouilles japonaises complétées avec un bouillon. Un tropisme vers l’Asie, héritage du goût des voyages de Sabrina Michée, ex-spécialiste de la communication.

Qui, pour le moment, s’attache à voyager majoritairement In Seine-Saint-Denis afin de développer son concept le plus largement possible : « On est, par exemple, en train de se rapprocher de la Cité Maraichère de Romainville , afin d’organiser un service de traiteur au sein de leur futur restaurant. Et puis, on aimerait aussi proposer nos drêches à des cantines scolaires en Seine-Saint-Denis afin de démocratiser au maximum nos produits », expose la néo-entrepreneuse. Pour cela, il faudra être en capacité d’augmenter le recyclage de drêches qui, actuellement, s’élève à un peu moins de 2,5 tonnes par mois du côté du site de production de Romainville, fort de 3 salariés : « Cela nous permet de fabriquer 10 000 nids de nouilles que nous vendons en paquets individuels ou en paquet familial de quatre nids », détaille encore Sabrina Michée. Pour le moment, nous sommes en phase de structuration, mais nous avons aussi l’intention d’étoffer notre gamme en créant des coquillettes. »

Crédits photo: In Seine-Saint-Denis

Et, pour donner à ce nouveau produit « son petit gout de céréales toasté propre au malt des drêches », Sabrina Michée compte largement s’appuyer sur le réseau des ambassadeurs du IN : « On devrait bientôt travailler avec la brasserie Gallia à Pantin ainsi qu’avec « La Montreuilloise » dès cet été. C’est d’ailleurs, en partie pour cela, que nous nous sommes installés en Seine-Saint-Denis afin d’être au plus près de toute une galaxie de brasseurs très dynamique. » Un « 93 » que la jeune femme originaire de Grenoble explore peu à peu, avec la curiosité de « découvrir un territoire qui met en places des initiatives multiples en matière sociale et environnementale. Une démarche dans laquelle je me retrouve pleinement avec la création de nos ramens, un produit écoresponsable avec de vraies qualités nutritives. » Cerise sur la farine, « Ramen tes drèches » vient d’ailleurs d’obtenir l’agrément d’Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS). «Une certification qui va nous conforter dans notre engagement social et environnemental, conclut Sabrina Michée. Clairement, un de nos objectifs sera aussi de créer davantage d’emplois solidaires et de développer notre impact social en Seine-Saint-Denis. »


« PAIN DANS TA GUEULE », une belle claque donnée au gaspillage

Crédits photo: Les 3 poireaux

Faire du local au gré des rencontres, c’est une des marques de fabrique des « 3 Poireaux » spécialiste dans ses deux épiceries d’Epinay-sur-Seine et de Saint-Ouen de la « distribution de produits issus de petites structures agricoles et artisanales privilégiant la qualité écologique et biologique de la production à la quantité. »

Une philosophie qui a amené l’un des fondateurs des 3 Poireaux, Théophane Tardy, à s’allier en 2020 avec la Brasserie Urbaine de Saint-Ouen autour d’une production on ne peut plus circulaire et on ne peut plus In Seine-Saint-Denis : « On a récupéré les drèches d’un de ses brassins de bière pour créer du pain dans notre fournil de la Fabrique Bannier à Épinay. Et ensuite, il a récupéré nos invendus de pains pour les moudre, en faire un broyat qui a servi à remplacer le malt pour créer une nouvelle bière », retrace l’épicier audonien. De quoi brasser une cuvée de 400 bouteilles opportunément baptisée « Pain dans ta gueule. »

Qui est, soit dit en passant, une bonne claque dans la face du gaspillage alimentaire : « Sur ce « one shot », on a réussi à faire une excellente bière et du bon pain, apprécie le créateur des 3 Poireaux. Et, finalement, c’est une façon de faire qui peut avoir beaucoup de sens parce qu’on ne peut pas faire plus ultra-circulaire. Chacun recycle les déchets de l’autre et se renvoie la balle, c’est parfait comme association ! » Du coup, Théophane Tardy compte mettre en œuvre une nouvelle expérience du genre dès la prochaine rentrée, lorsqu’il aura « concocté une bonne recette de pain et surtout lorsque les brasseurs auront pu reprendre une activité normale. »

A surveiller comme le pain sur le fournil puisque « les principaux ingrédients d’un pain sans additifs, avec simplement de la farine de drèche, du levain naturel et du sel de Guérande et cuit au feu de bois » devraient former un bel assemblage made In Seine-Saint-Denis…


LES DRÊCHEURS URBAINS ET LE BRASSEUR MIR, une alliance à haute teneur « en In »

Crédits photo: Les drêcheurs urbains

Développer à grande échelle la production de farines écoresponsables, riches en fibres et en protéines en utilisant des drêches de brasseries, les résidus humides du malt issus du brassage de la bière, c’est l’objectif des «  Drêcheurs Urbains  », une idée lancée en 2018 par Lisa Couturier et Benoit Cicilien, d’abord implantée à La Cité Fertile de Pantin, avant de rejoindre fin 2020 Romainville pour s’établir sur le même site que la brasserie Mir fondée en 2017 par Jérôme Crépieux. Une sacrée bonne idée d’avoir des cuves de brassage à portée de recyclage lorsqu’on sait que la production de 1 000 litres de bière permet de récolter 300 kg de dre?ches. « Nous formons un duo complémentaire », appuie le brasseur de Romainville, par ailleurs ambassadeur du In Seine-Saint-Denis.

« Avec notre farine de drêches, on peut tout faire aussi bien des biscuits, que des pâtes. L’idée, c’est de la mélanger à un blé classique et de profiter de l’apport en céréales et en fibres de la drêche », enchaîne le Courneuvien Benoit Cicilien, qui, deux fois par semaine, organise dans son atelier romainvillois des ventes en direct de sa farine au prix de 3,50 euros les 250 grammes. Détail supplémentaire qui a son importance, la farine est broyée sur « un moulin avec une meule en pierre afin de préserver au maximum ses qualités nutritives. »

Crédits photo: Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis

Un concept que Benoit Cicilien, ingénieur agronome de formation, ambitionne désormais de diffuser à plus large échelle en Seine-Saint-Denis : « L’objectif, c’est de grandir et de continuer de se faire connaître en profitant de l’offre importante de micro-brasseries implantées en Seine-Saint-Denis. Et, ensuite en diffusant notre farine auprès de boulangeries, de pâtisseries, de restaurants ou mêmes de traiteurs du département, il y a largement de quoi créer un modèle vertueux de circuits ultra-courts de production en milieu urbain. »

En attendant, les Drêcheurs et Mir vont continuer de porter leur aventure commune enclenchée « après avoir eu le même intérêt partagé sur notre local actuel de Romainville. Bien sûr, on se connaissait avant, mais cette opportunité a précipité notre association. » Laquelle pourrait d’ailleurs prendre à terme « la forme d’une prise de capital commune », dévoile Benoit Cicilien. Une association pleine et entière qui méritera bien une tournée de Mir…

 

Frédéric Haxo

Crédits photo couverture: Les drêcheurs urbains